Naps, Kif Kif Marseille

Et si on parlait chiffres ? En 6 ans, Naps a sorti 53 singles. Depuis 2017, il a enregistré trois albums certifiés double platine, trois platine et un or. 165 millions de vues YouTube pour La Kiffance, 125 millions pour Best Life featuring Gims, et on pourrait continuer longtemps comme ça.

Mais pour Nabil Arlabalek, né à Marseille en juillet 1991 (selon Genius) ou en février 1986 (selon Wikipédia), le succès n’a pas été immédiat. Jeune ayant grandi dans la cité Bel Air du quartier populaire de La Pomme ("N.A.P.S. mec de tess", comme il aime se présenter en interview), Naps se plonge dans le rap dès l’âge de 15 ans et finit par monter son petit groupe local, 11.43. Le collectif placera quelques morceaux sur des compilations locales ainsi qu’un titre, Parabellum, sur le CD de la B.O. inspirée du film Chouf. Le potentiel était là, avec, dans le crew de quatre, une autre future figure du rap marseillais, le rugueux Kofs, mais 11.43 ne réussira pas à percer au-delà de l’entourage proche.

Plume versatile

Après quelques mixtapes au début des années 2010, Ma ville & ma vie en 2015 est le premier réel essai solo de Naps, avec un feat. remarqué du Rat Luciano sur le titre Alarkebien. Son premier gros clip, Ma ville et ma vie (5,3 millions de vues à ce jour), donne le ton du style Naps : tempo rapide, punchlines acérées ("C’est bien t’as fait du buzz mais t’es qu’un mirage"), sens de la mélodie. Pochon bleu en 2017 fait passer Naps dans la cour des grands. Disque d’or en moins de deux mois, cet album finira double platine, révélant au public rap la plume versatile du jeune Marseillais, qui confirmera l’essai en 2018 avec À l’instinct, projet ambitieux aux multiples featurings (Le Rat Luciano une nouvelle fois, mais aussi Soolking, Fianso et Alonzo) dont seront tirés trois singles, Recherché, Dans le bloc et Favela.

Naps est sur sa lancée, et plus rien ne pourra l’arrêter : Un an à peine après À l’instinct parait On est fait pour ça, copieux double CD de 40 titres, une longueur comparable à celle du fameux Ombre est lumière d’IAM en 1994. Le morceau donnant son titre à ce projet platiné amène Naps en Colombie pour le tournage du clip. "C’est grâce à la musique que j’ai commencé à voyager", explique-t-il à BFMTV, "la Colombie, c'était une bonne expérience".

Doublé en 2020, l’année de sortie du cinquième album solo Carré VIP et de sa participation au collectif massif de Jul, 13 Organisé. Naps, c’est cette nouvelle génération du rap de Mars, moins engagée que celle des pionniers, mais plus ouverte aux refrains entrainants et tournée vers un public large.

"Artistiquement, on se balade" lâche-t-il dans son couplet de Bande organisée, single phare du projet de Jul 13 Organisé, qui rassemblait toutes les facettes du rap sudiste. "C’était super simple, pourtant il y avait des multi platinés mélangés à des personnes qui n’avaient pas encore sorti de projet, mais tout le monde était pareil. En plus, c’était super productif, il y avait deux sessions en même temps. Pendant la promo, il y avait les 50 artistes dans le même studio, les équipes se sont mélangées et tout s’est bien passé, il n’y a pas eu une embrouille. Au contraire, ça a créé des liens".  

Naps voit d’un bon œil le succès de Jul, avec qui il a collaboré à plusieurs reprises avant Bande organisée, et des autres artistes de la cité de Phocée : "Ça a fait du bien à la ville, du bien aux Marseillais et ça fait du bien au rap français en général".

Faire kiffer

C’est l’année suivante que Naps sort son plus gros single, La kiffance, dix semaines numéro un des charts, triple diamant et médaillé des NRJ Music Awards. C’est aussi le single le plus streamé de 2021, avec en corollaire une nouvelle certification double platine pour l’album dont il est extrait, Les mains faites pour l’or. Prolifique, Naps sort un deuxième album cette même année, Best Life, dont le single éponyme feat. Gims cartonne dans les charts et sur YouTube avec son clip de luxe ambiance Dolce Vita des milliardaires devant un jet privé.

Après La TN (Team Naps) en 2022, Naps est de retour avec son nouvel album, En temps réel, qui a déjà le parfum du succès. Pas de bouleversement majeur dans le style sinon une teinture blonde en couverture, mais un personnel qui tape dans le haut du panier, puisqu’on y croise Gazo et Ninho sur le même morceau (C’est carré le S) ainsi que Koba La D et Maes (La danse du roro), la chanteuse R&B Imen Es (Dua Lipa), Gambi (single Purple) et deux fois le rookie Kalif Hardcore (Fast Life et Sativa). Toujours la même fascination pour le matériel et les marques de luxe, de Ferrari à Versace en passant par Céline, Jimmy Choo et Louis Vuitton ("Patek Aquanaut j’suis avec la miss/ Ça rode en GTR-3/ Ça va manger du Gucci", balance-t-il en intro de Ça soutient fort), les tempos accélérés (Le fruit de mon époque, Le sang de la veine, Bénef max, bref la quasi-totalité de l’album) et l’herbe ("J’allume un zdeh pour fêter le milli" dans Ma belleuh).

Rien de révolutionnaire, mais des sons aux normes marseillaises qui, s’ils n’ont pas la prétention de changer le monde, sont là pour le faire kiffer. Cette fameuse "kiffance", un terme devenu "napsien", l’équivalent sudiste du "en mode" de Rohff. Juste à côté de Jul, SCH ou Alonzo, Naps représente Marseille, même s’il se refuse à dire qu’il n’en partira jamais : "C’est ma ville. À vie, je ne sais pas, on verra. Mais même si je bouge de Marseille, je reviendrai toujours".

Naps, En temps réel (OK Many Industrie / ALLPoints France / Believe) 2023

Facebook / Instagram / Twitter / YouTube