Les Francos de Montréal 2023, si foisonnantes

Isabelle Boulay, sur la scène des Francos de Montréal, le 10 juin 2023. © Francofolies / Victor Diaz Lamich

Les Francos de Montréal, dont la 34e édition s’est achevée samedi dernier, maintiennent un équilibre parfait entre concerts extérieurs gratuits et concerts en salle payants, découvertes et succès populaires, artistes francophones européens et locaux. Bilan des forces vives québécoises.

Le plus inoxydable : Robert Charlebois

Serviette sur les épaules, à la manière d’un boxeur à la fin du combat, il arpente la scène en courant sur J’taime comme un fou, un des classiques de son répertoire. A 78 ans, le gaillard véloce se porte comme un charme. Robert en CharleboiScope, c’est le spectacle que le chanteur légendaire trimballe maintenant depuis quatre ans et qui a clôturé cette édition sur la grande scène gratuite. Sur l’écran géant, des projections d’images d’archives (ses films, ses interviews…) et des montages psychédéliques. Un public compact, mais en deçà des attentes, à cause d’une météo capricieuse. Du swing, des guitares dobro. Et des chansons d’éternité : Lindberg en duo avec Louise Forrestier, Ordinaire sommet du spectacle, l’hymne Je reviendrai à Montréal. La fête aurait pu être totale sans des arrangements datés, comme au temps de l'émission de télé Champs-Elysées.

La plus fédératrice : Cœur de Pirate

Ce serait mentir de prétendre qu’on avait ici de grandes attentes. Finalement, Cœur de Pirate a envoyé valser nos idées préconçues et l'on a fini par embarquer. Pourquoi ? Si l'on fait abstraction de sa voix enfantine et nasillarde, qui peut s’avérer encline à taper sur le système, force est de reconnaître que la chanteuse s’humanise enfin, taille des refrains habilement troussés et offre à ses chansons des reliefs plutôt accueillants. Du partage aussi puisqu’on comptera jusqu’à cinq invités : la prime allant à un explosif Debout avec Ariane Moffatt, à un parfait Concept flou en compagnie du rappeur français Georgio et à un improbable Femme like you en présence de K-Maro qui a galvanisé la foule. Et on ne lui en voudra même pas que son Crépuscule a d’étranges relents de Mourir sur scène.

La plus injustement décriée : Isabelle Boulay

Plutôt que de se rendre au concert Roxane Bruneau, phénomène du moment dont on n’est pas submergé par la vague d’enthousiasme, on a opté pour Isabelle Boulay. Est-ce un crime ? Des réflexions entendues ici et là démontrent que la femme divise dans son pays d’origine. Dans la case des chanteuses à voix, elle est pourtant une interprète recommandable. Preuve avec ce récital élégant et d’excellente facture, qui s’ouvre délicatement avec le Hors-saison de Cabrel, bifurque du côté de morceaux qui ont fait sa renommée tels que Je t’oublierai, je t’oublierai ou Parle-moi, avant de basculer chez Bashung qu’elle revisite le temps de sept chansons. Moins convaincante en s’emparant de La nuit je mens, elle livre de jolis graves sur Madame rêve et emmène brillamment Ma petite entreprise vers des rives country.

Le plus inattendu : Philippe Brach

Divine surprise de retrouver l’insaisissable et créatif trentenaire qui avait disparu des radars. Hors programmation officielle, annoncé le matin du dernier jour comme concert surprise du festival, Philippe Brach est enfin sorti de son bois des Hautes-Laurentides. Quatre ans que l’auteur-compositeur-interprète n’avait pas mis un pied sur une scène, préférant œuvrer dans le milieu communautaire de son village. Brach n’a rien perdu de son pouvoir d’attraction et de sa troublante nonchalance goguenarde. En combinaison one-piece, puis dans un accoutrement aux couleurs de Ronald McDonald, il a mis sa science rigoureuse du son et des textures au service de chansons aussi bien radieuses qu’ombrageuses. Un dialogue entre les genres qui fertilise à nouveau de passionnants hybrides rock-folk.

 

© Francos de Montréal
L'Affiche de la 34e édition des Francos de Montréal

Les plus girls-power : Lou-Adriane Cassidy et Ariane Roy

Rien d’étonnant à ce que ces filles-là soient des amies d’enfance. L’an dernier, elles avaient brillé dans le spectacle à trois voix Le Roy, La Rose et le Lou(p), en compagnie de Thierry Larose. Toujours le même éclat, cette fois-ci dans leur concert respectif. Parfois brutes, souvent sensuelles, constamment émancipatoires, elles font le pari du protéiforme, de l’entrechoquement stylistique. Variations rock pour Lou-Adriane Cassidy, capable de tempêtes électriques (Entre mes jambes) comme de nous lover dans un sublime folk crayeux (Ça va, ça va). Pop alternative pour Ariane Roy, lauréat du prix Félix Leclerc cette année et excellant aussi bien dans une reprise de Diane Tell (Souvent longtemps énormément) que dans des titres aux cavalcades extatiques (Fille à porter). Un régal dans les deux cas.

Le plus idolâtré : Daniel Bélanger

Là-bas, au même titre qu’un Jean Leloup, il est considéré comme une vraie sommité. En France, presque un inconnu, bien que Christophe ait mis en musique un de ses textes dans son ultime album studio (Drone). En même temps, le marché français n’a jamais fait partie de ses priorités. Ne pas dévoiler, au grand jour pour de bon, l’insolente maîtrise du bâtisseur de chansons Daniel Bélanger serait néanmoins regrettable. Des spectateurs fervents pour des morceaux à la poésie incarnée et à l’inspiration sensible.

Le plus estival : Super Plage

Grand soleil sur l’électro-pop indemne de toute prétention d’un Henry James particulièrement prolifique depuis la période post-Covid. Super Plage, dans la lignée de Polo & Pan, s’embarrasse très peu de questions existentielles, seulement obsédé de refrains qui rendent la douche joyeuse et d’une ivresse mélodique qui fera la nuit torride. Ça chante nu-pieds et ça enlève les couches de vêtements au fil du set. La musique d’un monde qui va bien, ou du moins qui fait tout pour y croire.

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