Francofolies de La Rochelle : le public au rendez-vous, Emilie Simon, Oete, Lomepal aussi !
L’institutionnel festival, dont la 38e édition a débuté en fanfare mercredi, peut une nouvelle fois se targuer d’une fréquentation au beau fixe et d’un éclectisme de styles musicaux et générationnel. Hier, entre le triomphe justifié de Lomepal et l’ascension d’artistes en devenir, il aura notamment permis à la créative Emilie Simon de se replacer brillamment sur l’échiquier.
Il est toujours confortable et rassurant pour les organisateurs d’attaquer le festival en ayant l’assurance que les cinq soirées de son spot principal (la scène extérieure Jean-Louis Foulquier) vont faire le plein. La première, mercredi 12 juillet, était scrutée de près puisque y était attendue Izïa quelques jours après sa diatribe controversée contre le président Macron lors d’un concert à Beaulieu-sur-Mer et qui a déclenché l’ouverture d’une enquête par le tribunal de Nice pour "provocation publique à commettre un crime ou un délit". Cette fois-ci, aucune prise de parole entre les morceaux, juste l’énergie folle du live si prégnante chez elle. Et le geste hautement symbolique de -M-, artiste qui lui succédait et qui l’a invitée à l’accompagner pour un duo. Les Francofolies, proches d’une bascule en combat de boxe entre les rappeurs Booba et Vald l’an dernier, n’auront donc pas un incident supplémentaire à gérer.
Les pulsations rock gagnantes d'Emilie Simon
Complète aussi, en ouverture au théâtre Verdière, "la fête à Hervé Vilard" encensée par l’ensemble des médias. Même sort, jeudi 13 juillet, dans la même salle, pour une Emilie Simon en stand-by depuis l’album Mue en 2014. La fée électricité signe un retour gagnant. Elle déroule ici, dans son ordre initial, l’intégralité de son premier disque éponyme sorti il y a pile vingt ans et récompensé l’année suivante par une Victoire de la Musique dans la catégorie musique électronique. Conforme à sa trajectoire de composer la futur, de nouveaux arrangements, d’autres tonalités, des percées vocales plus graves et le retour de cet avant-bras gauche orné de télécommandes cybernétiques. Aussi inventive soit-elle, Emilie Simon n’a jamais choisi la facilité et encore moins le surplace. Cette percée en terrain qu’on pensait connu cache même un radicalisme auquel il faut se frotter mais auquel on se pique immédiatement. Parce qu’il y a là une fulgurance d’exécution, un parfait équilibre femme-machines, une formidable scénographie en forme de capsule spatiale, des pulsations chimiques à son electro, des accents rock, des joyaux bruts (Désert, Lise, Flowers) et un point final incandescent (Fleurs de saison, exception à la règle sachant que cette chanson-là figure sur l’album Végétal). Réjouissance enfin lorsque notre Kate Bush française annonce sortir prochainement un EP liée à Halloween ainsi qu’un nouvel album de titres originaux.
Oete et Lisa Ducasse, les nouvelles recrues des Francos
Les Francofolies, c’est aussi Le Chantier, dispositif d’accompagnement destiné à mettre en avant de jeunes talents. Deux d’entre eux ont déjà fait belle impression. Oete, d’abord, dont l’accrocheur album Armes et Paillettes n’a pas besoin de se laisser infuser. Sensation identique sur scène où le chanteur d’origine picarde, habillé comme ses deux musiciens d’un combo débardeur-bermuda noir descendant sous les genoux, avance tambour-battant. De l’electro-pop sans retenue et jubilatoire, une écriture percutante qui embrasse subtilement ses années troubles et l’incompréhension que son titre La tête pleine n’ait toujours pas envahi les ondes. Rendez-vous également pris avec l’avenir pour Lisa Ducasse, vingt-quatre ans au compteur et qui mélange astucieusement langueur électronique, voix envoûtante et poésie voyageuse. Ses chansons sont traversées par l’idée de départ : réel, imaginé, fantasmé, géographique, amoureux. Et lorsqu’elle reprend en créole-mauricien La chanson des vieux amants de Brel, c’est d’une beauté à faire pâlir le jour.
Le triomphe Lomepal
Difficile d’en dire autant de Nicolas Maury, acteur popularisé par son rôle tellement attachant dans la série Dix pour cent et qui s’essaie à la chanson. Du maniérisme à outrance, de la prétention dans le kitsch, un manque de justesse criant et un charisme scénique totalement inexistant. Ratage complet. Dans l’élan de la tournée triomphale de son album Mauvais Ordre, Lomepal a évidemment cassé la baraque. Public fervent et en communion constante avec les paroles, morceaux d’immensité (Yeux disent, Trop beau, A peu près), parti-pris rock complétant une hybridité à califourchon entre chanson et rap. Aux antipodes du bling-bling, constamment mélodieux, le garçon tout en contrôle a enchaîné les moments de bravoure. La marque des grands.