Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer

 

 

 

Horaires

Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30

Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)

Des Mots et des Notes: le Hip Hop

Le livre de Nicolas Rogès (Éd. Le Mot et Le Reste). © Joe Farmer/RFI

Si les musiciens impriment leur histoire à travers la poésie des notes, les écrivains narrent leur destinée dans le lyrisme des mots. Parfois, les deux disciplines s’enchevêtrent et la mélodie des uns nourrit la prose des autres. Savoir susciter, par le verbe, l’intérêt d’auditeurs exigeants est un exercice périlleux. Pourtant, nombre d’auteurs ont cogité, analysé, étudié, la place des grandes étoiles afro-planétaires dans notre paysage musical international. 

L’artiste le plus indubitablement créatif de notre XXIè siècle balbutiant s’appelle Kendrick Lamar. Il n’a que 36 ans, mais son aura dépasse largement l’univers du rap. Kendrick Lamar aurait pu, comme nombre de ses contemporains, se laisser emporter par un mal-être qu’une société inégalitaire impose aux populations fragilisées. Pourtant, il parvint à résister à l’engrenage de la violence et aux confrontations stériles de bandes rivales dans les banlieues déshéritées des années 90. Bien que le jazz ne semblait pas être une source d’inspiration évidente pour ce jeune rappeur biberonné à la Soul-Music qu’écoutait quotidiennement son père, les circonvolutions de John Coltrane et les conseils de quelques instrumentistes émérites, dont Terrace Martin, le propulsèrent dans un monde qu’il ne soupçonnait pas. La clairvoyance de Kendrick Lamar lui permit de fusionner tous ces échos sonores échappés de « L’épopée des Musiques Noires » pour s’en approprier la sève et la magnifier. To Pimp a Butterfly fut, sans nul doute, l’un des albums majeurs de 2015 et reste le point d’ancrage d’un artiste à la recherche d’un idéal artistique que sa jeunesse malmenée aurait pu pervertir. Sa verve et son désir ardent de s’extirper d’une destinée trop souvent caricaturée le hissent au rang des poètes de l’ère moderne. Il reçoit même le prix Pulitzer en 2018 ! Qu’il est surprenant de lire un ouvrage entier consacré à un jeune trentenaire dont le développement artistique et l’examen de conscience ne sont pas achevés. C’est le défi que s’est lancé Nicolas Rogès, lui-même trentenaire, dont l’expertise suit le cheminement d’une génération rebelle, inquiète, militante. « Kendrick Lamar, de Compton à la Maison-Blanche » est disponible depuis 2020 aux éditions Le Mot et le Reste.

© Joe Farmer/RFI
Olivier Cachin en studio à RFI.

 

Depuis plus de 30 ans, le journaliste Olivier Cachin fait figure de spécialiste des cultures urbaines même si ses connaissances musicales dépassent largement les contours du hip hop. Son émission « Rapline » sur M6, au début des années 90, a accéléré sa notoriété et installé son image de fin connaisseur dans cet univers où la cadence des mots porte le message social d’une jeunesse en manque de considération. Olivier Cachin est l’auteur de nombreux ouvrages dont « Le dictionnaire du rap » (Éditions Scali), une introduction fort documentée à l’histoire mouvementée de ces soubresauts rythmiques et poétiques. Des Last Poets à Dr Dre, ils y sont tous. L’occasion de comprendre que le « flow » des rappeurs prend sa source dans la culture populaire africaine-américaine ancestrale des premiers prêches. 

© Joe Farmer/RFI
Livre de Laurent Rigoulet (Éd. Don Quichotte).

 

Certes, il est difficile de définir une date de naissance à cette forme d’expression viscéralement revendicatrice. Dans « Brûle » (Éditions Don Quichotte), Laurent Rigoulet nous plonge dans le quotidien de la communauté noire, à l’aube d’une révolution artistique et sociologique, dont les principaux acteurs dessinent, pas à pas, les contours. Ils s’appellent DJ Kool Herc, Grandmaster Flash, Afrika Bambaataa. Ils inventent un son, une humeur, un mode de vie, un discours. Ils seront les pionniers d’une culture rebelle et d’une tonalité revendicatrice. Issus d’une population désœuvrée du Bronx, ces fortes têtes parviendront à donner du sens à leur combat souterrain. Mais, bientôt rattrapés par l’industrie du disque, ces valeureux artisans du rap originel ne pourront que constater leur échec face à la puissance destructrice du commerce musical qui ne manquera pas d’édulcorer une intention, des mots, une force d’expression authentique. Réhabiliter la lutte, la protestation, l’implication, l’engagement est un devoir citoyen... Tel est peut-être le message en filigrane de « Brûle » face aux crispations du XXIè siècle ?

© Joe Farmer/RFI
Laurent Rigoulet au micro de Joe Farmer.

 

Les instrumentistes écrivent des partitions. Les écrivains cadencent les lettres. Ces deux mondes se lisent et s’écoutent…

 

À lire :

- « Kendrick Lamar, de Compton à la Maison-Blanche » (Éditions Le Mot et le Reste) – 2020

- « Le dictionnaire du rap » (Éditions Scali) – 2007

- « Brûle » (Éditions Don Quichotte) – 2016.