Les "duettes" d'Arno
Elle nous avait étonnés en 2022 avec le posthume Opex, paru un an après la mort du chanteur. Pias, la maison de disque d’Arno livre une nouvelle surprise : Les duettes. Dix-huit duos du défunt chanteur belge, souvent improbables, toujours généreux. Avec des artistes aussi éclectiques que Brigitte Fontaine, Eddy Mitchell, Jane Birkin ou Stromae. Une merveille.
Il aurait pu être triste. Or s’il est –évidemment- poignant de retrouver la voix d’Arno, Les duettes est aussi un album rock et empreint d’une fougue subversive. À l’instar notamment de la version studio du célèbre : Putain, putain avec Stromae ou encore de Je ne regrette rien. Sur cette dernière, que chante Arno avec son compatriote Zwangere Guy, la célèbre chanson d’Édith Piaf se pare de rap et n’en célèbre la vie que d’autant plus fortement. Tout comme Brussels, interprété par Karavan, un groupe de chanteurs a cappella "afro-bruxellois". "Loignon y fait la force" chante Arno sur ce morceau qui, flirtant avec l’arabe, nous rappelle l’humour et l’ouverture du chanteur.
On se souvient du très émouvant La Paloma adieu avec Mireille Mathieu sur Opex. On en trouve ici une version inédite, remixée et totalement décalée, un brin dance, flirtant parfois avec l’électro. Ainsi cette chanson déchirante devient-elle dansante de manière inattendue. Décalé aussi le duo d’Arno avec sa compatriote BJ Scott pour Jean Baltazaarr (une adaptation improbable de La fille du Père Noël de Jacques Dutronc et The Jean Genie de David Bowie, qu’ils avaient enregistrée en 1999). La chanteuse et autrice d’origine américaine et Arno s’en donnent à cœur joie dans cette version franco-anglaise, ultra rock, sur laquelle les guitares électriques ondoient autour des voix des deux compères.
Beaucoup plus calme, Élisa, la célèbre chanson de Serge Gainsbourg, est reprise par Jane Birkin, pour un duo, d’abord tout en délicatesse, qui gagne progressivement en puissance. Il y a d’autres pépites, à l’instar de Je me repose, une chanson troublante et élégiaque de William Sheller et Gérard Manset, popularisée par Dalida dans les années soixante, qu’il interprète ici, plein de majesté, avec le trompettiste Ibrahim Maalouf.
Tout en délicatesse aussi, la magnifique Supermarket, duo somptueux d’Arno et Brigitte Fontaine. Passée inaperçue sur L’un n’empêche pas l’autre, un album de duos de la chanteuse en 2011, cette célébration des amours éphémères et inattendues et des "splendeurs (forcément nocturnes) toujours plus vives" leur sied à ravir.
Un autre oiseau de nuit et de poésie qui retrouve Arno sur ce disque, c’est bien sûr Christophe, avec qui il chante les non moins somptueux Paradis perdus. Une reprise aérienne et pulsionnelle, pudique, pleine de mélancolie, qui là aussi célèbre les amours déchues. Comme Opex, ce nouveau disque a été placé sous la supervision artistique du bassiste Mirko Banovic, le talentueux directeur musical d’Arno, partenaire au long cours, avec lequel il a collaboré très souvent. Aucun doute, ce dernier aurait aimé ces ultimes "duettes".
Arno Les Duettes (Pias) 2023
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