Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer

 

 

 

Horaires

Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30

Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)

Sister Rosetta Tharpe défiait-elle l’église afro-américaine?

La chanteuse américaine Sister Rosetta Tharpe en concert au Royaume-Uni, en 1964. © Getty Images - Tony Evans/Timelapse Library Ltd

Il y a 50 ans, le 9 octobre 1973, disparaissait une pionnière. Sister Rosetta Tharpe avait grandi à l’église mais sa culture gospel dépassait les contours d’une foi pourtant sincère. Son aspiration à sortir du cadre l’incita très tôt à jouer avec d’autres formes d’expression populaires. Armée de sa guitare électrique, elle inventait, sans trop s'en rendre compte, un genre musical qui allait révolutionner le paysage sonore américain et, bientôt, mondial. Elle ne fut, certes, pas la seule mais son apport à « L’épopée des Musiques Noires » est indéniable. 

Sister Rosetta Tharpe naît le 20 mars 1915 dans une petite bourgade de l’Arkansas. Le sud rural des États-Unis est une région où la ségrégation est tristement la norme. La religion est le seul refuge pour nombre de citoyens noirs opprimés. La jeune Rosetta grandit donc dans cet environnement pieux, bercée par les cantiques et spirituals. Sa vie aurait pu se limiter à un quotidien monacal mais sa force de caractère et sa ferveur irrésistible la conduiront sur un autre chemin. Au cœur des années 1920, la communauté africaine-américaine cherche une échappatoire aux brimades et humiliations répétées qu’impose le système discriminatoire sudiste. Au Nord, les opportunités de travail sont plus nombreuses et l’atmosphère moins pesante. Katie Bell Nubin, la mère de Rosetta, se résout à faire le grand pas et s’installe à Chicago avec sa fille. 

© Joe Farmer/RFI
Le Volume 7 de l’intégrale Sister Rosetta Tharpe disponible chez Frémeaux & Associés.

 

Ce nouveau décor et la frénésie de cette ville trépidante marquent la jeune Rosetta qui n’entend pas seulement les prêches de l’église locale mais aussi le blues dans les rues du « South Side », un quartier très animé de Chicago. Cet écho d’une musique profane aura un impact certain sur l’esprit frondeur de la jeune femme. C’est à New York que sa destinée s’accélère. Elle fait des rencontres décisives dans cette mégalopole en pleine ébullition swing. Son aplomb et sa force de persuasion finissent par convaincre Herman Stark, le patron du Cotton Club, qui lui propose de se produire dans ce haut lieu du jazz balbutiant à Big Apple. Sa notoriété s’accroît et les premières sollicitations se multiplient. Ici avec Cab Calloway, là avec Lucky Millinder, les grands orchestres ne se font pas prier pour accueillir cette impétueuse chanteuse et guitariste dont la fougue fascine et interpelle. 

© Joe Farmer/RFI
Le livre biographique signé Jean Buzelin (Éditions Ampelos).

 

L’église ne regarde pas d’un bon œil cette ouaille égarée qui se compromet en participant à des représentations très peu spirituelles. Sister Rosetta Tharpe n’a que faire de ces reproches. Sa foi est intacte et, seul, son désir de s’épanouir compte. Ses premiers enregistrements sont d’ailleurs à l’image de son humeur audacieuse. Rock me en 1938 fait sensation. On ne parle pas encore de « Rock’n’Roll » mais ce tempo soutenu surprend et laisse présager une évolution stylistique lorgnant vers le « Rhythm’n’Blues ». Les oreilles chastes sont irritées par cette musicalité que le Seigneur réprouve mais Sister Rosetta Tharpe enfonce le clou en s’illustrant aux côtés du pianiste de Boogie-Woogie, Sammy Price, et de la chanteuse, Marie Knight. Nous sommes au milieu des années 40, la vigueur des musiques afro-américaines n’attend plus qu’une exposition médiatique nationale pour que le rock puisse éclore. Elvis Presley rendra cela possible 10 ans plus tard, mais comment ne pas s’interroger sur la valeur patrimoniale des premiers artisans dont Sister Rosetta Tharpe fut l’un des visages essentiels. 

© Kévin Colloc/Radio France
Jean Buzelin en duplex des studios de France Bleu Provence.

 

50 ans après sa disparition, cette femme libre reste un modèle de ténacité et de témérité. Son histoire improbable a fait l’objet de publications diverses, de documentaires, de spectacles musicaux. Notre invité, Jean Buzelin, est l’auteur d’une biographie intitulée « Sister Rosette Tharpe, la femme qui inventa le Rock’n’Roll », aux éditions Ampelos. Il est aussi le maître d’œuvre d’une anthologie en 7 volumes disponible chez Frémeaux & Associés. 

Rosetta, la femme qui inventa le Rock'n'Roll, par Jean Buzelin, éditions Ampelos

Intégrale Sister Rosetta Tharpe, Frémeaux et Associés.