Louis Michot, pour l'amour de la musique cajun

Louis Michot lors d'un concert à Brooklyn. © RFI/Michaël Oliveira Da Costa

Pour Louis Michot, la musique et la langue française ne font qu’un. Et pour cause, cet artiste natif de Louisiane est attaché corps et âme à la culture cajun, le français de Louisiane, et œuvre, depuis plus de vingt-cinq ans maintenant. Membre incontournable du groupe Lost Bayou Ramblers, vainqueur d’un Grammy Award en 2017, Michot vient de sortir son premier album solo, Rêve du troubadour, une immersion profonde dans une culture cajun longtemps mise à la marge. Portrait d’un artiste engagé.

La Louisiane. Si loin de la France, avec ses bayous, ses alligators et ses églises disséminées aux quatre coins de l’état, mais aussi si proche, avec une âme cajun qui crée un lien viscéral avec l’Hexagone. De Lafayette à Bâton Rouge, en passant par La Nouvelle-Orléans, la culture du français de Louisiane ou Louisianais est incontournable malgré des décennies de restrictions de l’État fédéral qui voulait annihiler la langue et la culture, et imposer l’anglais à tous sans exception.

Pour garder la culture cajun bien vivante, plusieurs acteurs, dont des musiciens, s’investissent dans la préservation, et la promotion de cette langue minoritaire. C’est le cas de Louis Michot, qui œuvre dans ce sens par la musique, inspiré par ses ancêtres. "J’ai grandi dans les environs de Lafayette, près des vieilles générations qui étaient limitées dans l’expression de leur culture cajun, dans l’usage du français. Je ne comprenais pas tout jusqu’à mon adolescence, mais dès mes 14 ans, lorsque j’ai rejoint le groupe de mon père Les Frères Michot, j’ai commencé à mieux comprendre que la cause cajun était un combat permanent. À 17 ans, je me suis replongé dedans. Je fais ma carrière, ma vie est dorénavant portée par cette volonté de promouvoir le louisianais", sourit-il.

Influencée par des sons de violon et de guitare, la musique cajun raconte le quotidien dans cet état du sud, avec ses joies, ses peines, mais aussi la forte influence du français. Michot apprend le français cajun, et décide, avec son frère André, de jouer dans des bars locaux, et des festivals pour transmettre la musique de ses ancêtres, tout en y apportant sa touche personnelle.

Incursion au Canada

En 1998, Louis intègre le célèbre programme de l’université Saint-Anne, en Nouvelle-Écosse, au Canada, pour s’immerger dans la culture française, et progresser au violon, instrument central dans la musique cajun. Dans cette partie du Grand Nord, Michot apprend comme jamais, vit une expérience unique. "On était en formation de français, avec une centaine de personnes de Louisiane, et on jouait aussi de la musique. On a passé de beaux mois à voyager dans la région, puis au Québec, dans l’Ontario et dans le Maine. J’ai appris tellement de choses, parlé, joué de la musique avec d’autres personnes, et je suis revenu chez moi plus motivé que jamais", se rappelle-t-il.

Dans sa Louisiane chérie, il veut passer à la vitesse supérieure. "J’ai toujours poussé à ce que les anciens, qui ont été un peu formatés à l’idée que leur pratique du français n’était pas la bonne ou 'illégale', parlent aux jeunes en français. Et avec ma musique, je pousse à cela constamment, et on a créé Lost Bayou Ramblers, en 1999".

Guitares et accordéon en main, les deux Michot se joignent à deux autres musiciens, et jouent dans les villes de Louisiane, pour le plus grand bonheur des plus jeunes qui découvrent des musiques cajuns si méconnues. Michot décide de partir à New York pour jouer dans les rues durant quelques mois, et rencontre des promoteurs qui aident le groupe à organiser une première tournée américaine. Les Lost Bayou Ramblers deviennent de plus en plus connus, et enchaînent les albums. 

La consécration aux Grammy Awards, et le désir permanent d’indépendance 

Entre 2001 et 2017, le groupe louisianais ne sort pas moins de neuf (!) albums, et tourne aux quatre coins du pays, mais aussi en France, en Belgique, en Suisse ainsi qu'en Allemagne, essentiellement dans des festivals de musiques régionales. Pour Michot, le passage en France est marquant, d’une saveur spéciale. "Lorsqu'on est venu en France, j’ai ressenti quelque chose de très particulier, comme un lien mystique avec la terre de mes ancêtres. C’était vraiment génial même si on aimerait s’y rendre plus souvent. On veut faire connaître les autres accents et pratiques du français, moins connus, et montrer notre fierté d’avoir des origines françaises", souligne-t-il.

 

Il poursuit avec une belle anecdote : "Ma famille est originaire de Loire, et lorsque j’y suis allé, c’était très marrant, car j’ai croisé beaucoup de gars qui s’appelait comme moi !" rigole-t-il, "c’était comme si j’étais sur une 'planète Louis Michot' !" s’exclame-t-il.

Après la sortie de Kalenda, en 2017, le groupe atteint la consécration, avec la victoire du Grammy Award du meilleur album dans la catégorie des musiques régionales américaines, qui donne une nouvelle dimension au groupe. "Ça a été une surprise énorme pour nous, un évènement extraordinaire, c’est certain. On était choqués par cette nouvelle, on était tellement heureux" se rappelle Michot, "mais on a aussi dû se poser les bonnes questions, dont celle qui vient avec l’attention médiatique qui suit la victoire d’un Grammy : restons-nous indépendants ou est-ce que l’on signe un contrat avec l’un des gros labels qui nous convoitent ?".

Une culture à promouvoir

Michot et sa bande décident de rester indépendants, afin de "vouloir vivre leur vie sans des contraintes qui peuvent être pesantes, avec de longues tournées et des obligations qui peuvent peser dans notre vie de pères de famille par exemple", et s’investit dans plusieurs projets avec d’autres artistes de Louisiane pour continuer ainsi la promotion de la culture cajun.

Alors qu’il travaille sur sa musique, il décide, il y a quelques mois, de lancer un projet solo. "Je n’y avais pas vraiment pensé auparavant pour être honnête avec vous, et un jour, après avoir écrit et enregistré huit chansons, je me suis dit 'il y a de quoi sortir un album solo !'. C’est comme cela que le projet de Rêve du troubadour est né", précise-t-il.

Sorti le 22 septembre dernier, le premier opus solo de Louis Michot est une plongée spirituelle et sentimentale dans l’imaginaire de l’artiste, qui estime avoir passé une nouvelle étape dans sa créativité musicale avec son album. "J’ai atteint un certain niveau de maturité, pas seulement dans ma musique, mais aussi dans mon écriture, car sur cet album. Je suis sorti des schémas classiques de la musique cajun, en mettant des instrumentaux plus modernes et des paroles plus profondes. C’est en quelque sorte la meilleure façon que j’ai eue jusqu’à présent d’exprimer ma perception, mais aussi ma fierté d’être louisianais", estime-t-il.

À 44 ans, Louis Michot ne compte pas s’arrêter là. "On veut toujours plus, on veut continuer à faire connaître la culture cajun tout en apportant notre touche personnelle, en mélangeant hommages au passé et modernité. C’est notre mission", conclut-il. 

Louis Michot Rêve du troubadour (Electric Record) 2023

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