Marie France, glamour toujours

La chanteuse française Marie France. © Thierry Vanbiensen

Portée par le tandem Léonard Lasry et Jacques Duvall, l’égérie du Paris nocturne des seventies retrouve son éclat magnétique et charmeur, s’en voit régénérée et signe avec La nuit qui vient sera belle un de ses meilleurs disques, toutes périodes confondues. 

"Je suis une drôle de dame/Je peux surprendre parfois/Je suis une drôle de dame/Y en a pas deux comme moi (…) Je suis une drôle de dame/Je suis particulière/Je suis une drôle de dame/Plurielle et singulière", martèle-t-elle dans cette chanson-autoportrait à l’efficacité expressive et à la séduction mutine. Qu’on pourrait compléter par les écrits de Marguerite Duras à l’égard de l’égérie née garçon à Oran : "C’est impossible de ne pas être troublée par elle. Tout le monde. Les femmes comme les hommes".

Comme Léonard Lasry aussi, décidément compositeur malin et inspiré dès qu’il faut embarquer avec Marie France : "Bien sûr qu’il y a une fascination pour elle, sa personnalité, son parcours, sa vie. Sans plan de carrière, dilettante et en même temps assez pointue dans ses choix. Beaucoup de gens de la pop lui ont proposé des projets mais elle n’acceptait pas tout. Elle a une façon bien à elle de dire les mots, un répertoire solide entre la chanteuse réaliste des années 1950 et le glamour".

Un album sur-mesure

Il y a quatre ans, Lasry avait eu l’inestimable mérite de la remettre en selle sur des textes d’Elisa Point avec Tendre assassine. Classicisme raffiné et élégance captivante pour un joli pas de côté discographique. Cette fois-ci, une association de choc et de charme avec Jaques Duvall, parolier sorti de sa tanière et dans les mots duquel Marie France a si souvent marché. "Léonard m’a fait du sur-mesure et Duvall m’a servi aux petits oignons. Son rapport à l’amour me plaît toujours autant. C’est la fleur de mes plantes, cet album. Il est accrocheur, enjôleur et on s’amuse en disant au passage quelques vérités", se félicite-t-elle, assise sur le canapé d’un des salons de l’hôtel Lutétia.

De la pop jusqu’au bout des ongles, à califourchon sur les eighties, joueuse, frondeuse, espiègle, réconfortante. Qui fait oublier la marche invincible du temps. La mélancolie fauve de L’amour est innocent, en duo avec Alain Chamfort, se culbute aux déhanchements discoïdes de Jackie Shane, hommage à cette prédicatrice canadienne soul et pionnière de la scène transgenre. "J’ai découvert son existence à l’occasion de ce titre et j’ai appris que c’est elle qui a lancé l’expression gay. On a des points en commun".

Incisive et piquante lors d’une célébration de son ego (On est bien d’accord), Marie France s’engouffre dans une ode au carpe diem sentimental (Un de ces quatre). Et incarne avec un air de défi un Paye pour moi, à distance autobiographique. "Je n’ai jamais été vénale. Vous savez, j’ai eu Onassis à mes pieds, vraiment. Lorsqu’il m’a demandé ce qui me ferait plaisir, j’ai répondu une collection de perruques de toutes les couleurs. C’est plus que raisonnable, j’aurais pu réclamer un salon de coiffure". Première anecdote et l’impossibilité de ne pas faire remonter les folles pérégrinations du passé dans son cou.

Icône pop

Marie France reine des nuits de Saint-Germain-des-Prés, interprétant à l’Alcazar Parlez-moi d’amour en robe de velours bleu nuit ou faisant son numéro à la Marylin. Marie France devant la caméra de Téchiné. Marie France popularisée par la doublette Duvall-Alanski. Marie France, égérie du Palace. Marie France côtoyant Paul McCartney, Leonard Cohen, Nico. Marie France enregistrant avec les membres du groupe rock Bijou. Marie France, meneuse de revue chez Thierry Mugler. Marie France sous l’œil de Pierre et Gilles, icônes glacées qu’elle retrouve à nouveau pour la pochette de La nuit qui vient sera belle. "J’aimais bien traverser les salles et avoir tous les regards sur moi. J’y éprouvais un certain plaisir", reconnait-elle avec une franche coquetterie.  

Cette femme-là n’a eu de cesse de s’évertuer à appliquer à la lettre l’impératif "Deviens ce que tu es". Libre, jusqu’au-boutiste - consommation de drogues comprise -, volage pendant que d’autres filles se constituaient au même âge un trousseau de mariage.

Au rayon des regrets, une capacité d’écoute aléatoire ("A cause de ça, je suis passée à côté de quelques opportunités"), un râteau mis à Jimi Hendrix pour des raisons liées à la barrière de la langue. Ou une idylle avec Gainsbourg seulement passagère. "Ce n’était pour moi qu’une perle que je rajoutais à mon collier de conquêtes. Il a dit à Bambou que j’étais la seule femme avec laquelle il a trompé Bardot. Si je l’avais retenu, peut-être qu’il m’aurait écrit des chansons".

Marie France vit depuis 2015 à Sète, ville qu’elle a rejoint pour être au chevet de sa mère âgée et qu’elle n’a plus quittée. "Mon chihuahua me tient compagnie, je me fais mon marché, je passe incognito". Elle dit s’inquiéter d’un féminisme exacerbé ("On est en train de basculer là dans le rejet des hommes") et accorde une réelle importance à la postérité ("Si on ne se souvenait pas de moi, je serais déçue").  En attendant, Léonard Lasry projette pour elle la publication d’un best-of live, dont des extraits de son Trianon en 2006, avec comme invités Daniel Darc et Chryssie Hynde, la chanteuse des Pretenders. Histoire d’étoffer encore plus sa légende.

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Marie France, La nuit qui vient sera belle (29 Music) 2023