Momi Maïga, la kora entre racines casamançaises et horizons ibériques
Représentant de la nouvelle génération de joueurs de kora sur les scènes internationales, le chanteur et musicien sénégalais Momi Maïga croise ses cordes avec celles de l’Espagne, son pays d’accueil, sur son deuxième album intitulé Kairo.
La preuve par les faits. Jouer sur les scènes d’Europe son premier album Nio à plus de 70 reprises depuis près de deux ans, a permis à Momi Maïga de vérifier qu’il avait pris « la bonne décision » au moment de la pandémie de Covid-19 : plutôt que de continuer avec une formation de huit musiciens qui ne « fonctionnait pas top », il avait opté pour un quartet.
En Espagne, où il réside depuis quasiment une demi-décennie, mais aussi en France, en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Allemagne, la formule a trouvé son public. Et il y a quelques mois, l’Académie catalane de la musique distinguait le jeune korafola (joueur de kora) en lui attribuant le prix Alicia, dans la catégorie des talents émergents.
Pour son nouveau projet discographique, baptisé Kairo, le Sénégalais de 27 ans a davantage privilégié ce qui relève de la production et s’est donné le temps qui lui avait fait défaut précédemment. Cette fois, il a essayé ses chansons en live avant de les enregistrer, pour voir ce qu’il pouvait « ajouter, enlever afin qu’elles soient plus matures ».
Sur le plan artistique, il explique avoir voulu « suivre le même chemin » avec ses trois complices (dont le percussionniste Aleix Tobias, de longue date aux côtés de la réfugiée sahraouie Aziza Brahim) : une rencontre entre sa culture casamançaise, avec ses influences mandingues, et celle de son pays d’accueil – tout musicien doit être perméable à son environnement et s’en inspirer, considère-t-il.
Il s’y était déjà attelé à l’époque de Nio, notamment sur Mansani, une chanson traditionnelle de chez lui qu’il avait « mixée » avec le flamenco andalou, un style dont il est tombé amoureux dès qu’il l’a découvert … sans même savoir que d’autres artistes d’Afrique de l’Ouest avaient déjà emprunté ce pont entre leur continent et la péninsule ibérique, à commencer par le Malien Toumani Diabaté en compagnie du groupe madrilène Ketama sur Songhaï en 1988, mais aussi plus tard Djeli Moussa Diawara, Zal Sissokho (et tout récemment Ali Boulo Santo Cissoko) !
Ce sens du dialogue interculturel, par instruments interposés, relève d’une forme d’héritage pour ce natif de la Gambie qui a grandi à Ziguinchor dans la famille de sa mère, des griots. Les musiciens y sont nombreux. « Seckou Keita est mon cousin, on vient de la même maison. Sa maman est une Cissoko comme la mienne », précise-t-il. Il y a aussi Maher Cissoko, son oncle qui s’est installé et a développé sa carrière en Suède. Chaque année, il faisait venir en Casamance des Scandinaves, si bien que le jeune Momi, pour lequel avait été fabriqué un modèle enfant de kora, a pris l’habitude de dépasser les différences.
Il compte retourner là-bas prochainement pour y « recharger les batteries », mais sait qu’il ne pourra guère s’y attarder, car en Europe, les sollicitations se multiplient. Lui qui ne parlait pas un mot d’espagnol quand il y est venu la première fois pour une conférence à Barcelone en 2018 s’est fait une place, et un nom : il remplacera Ballake Sissoko, un des maitres de la kora, sur quelques dates du spectacle Les Routes de l’esclavage 1444-1888 créé et dirigé par le chef d’orchestre catalan Jordi Savall.
Tout récemment aussi, le musicien et producteur américain Michael League, fondateur au début du millénaire du groupe de jazz fusion Snarky Puppy, l’a contacté pour participer au prochain album de Youssou N’Dour sur lequel il travaille. « C’est un honneur immense », confie Momi, qui a encore du mal à y croire. « Je me retrouve en train de jouer de la kora et de faire de chœurs pour Youssou N’Dour, et il m’a remercié ! C’est trop pour moi », s’amuse-t-il, touché par l’humilité de son illustre compatriote, qui a proposé de lui donner un coup de main le moment venu pour faire connaitre sa musique au Sénégal. De quoi lever les derniers doutes, et donner confiance.
Momi Maïga Kairo (Microscopi) 2024
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