Les quatre saisons de Laura Cahen
À l'heure où la scène féminine française ne cesse d'accueillir de nouveaux visages, Laura Cahen vient faire ses preuves avec classe. Nord, le premier disque de pop-folk atmosphérique de cette jeune fille de 26 ans, a des effets ensorcelants.
Elle s'affiche enfin plein cadre, posant sur la pochette le visage à la fois sauvage et apache, ce qui l'érige visuellement en nièce lointaine de Joan Baez, période Farewell Angelina. Belle montée en puissance que celle de Laura Cahen, chanteuse dont on guettait la définitive éclosion.
La mue a pris davantage de temps que prévu, la faute à un titre - issu d'un premier EP en 2013 - qui s'était frayé un passage remarqué en radio, mais dont les inflexions joueuses étaient à longue distance du futur dans lequel elle allait s'inscrire. Ladite chanson s'appelait Mon loup et elle avait été à l'origine écrite pour Luce. "Comme elle ne l'a pas prise, je l'ai gardée pour moi. Mais ce n'était pas spécialement ce que j'avais envie de donner à voir et à entendre. J'ai ainsi sorti un second EP deux ans plus tard. Je ne voulais pas faire un virage aussi serré alors que les gens étaient restés là-dessus. Il fallait réinstaller les choses progressivement".
Dans un passé plus lointain, la Nancéienne de 26 ans a fait ses armes au sein des Deux Z'elles, duo féminin guitare-contrebasse jazzy. Autant dire qu'elle en a exploré des pistes musicales jusqu'à la rencontre déterminante avec le réalisateur Samy Osta (Rover, La Femme). Celui-ci l'a prise sous son aile. Ensemble, ils vont constituer la colonne vertébrale de Nord, son premier album.
Quatre saisons pour un album
Les secrets et trésors de ce disque ne se livrent pas aux impatients. Au fil des écoutes, ils se dévoilent, se révèlent, nous embarquent dans des dédales insoupçonnés. Une quête aux allures mystiques rapportées dès les premiers mots de Loin ("A travers champ/Les pieds nus/ Au galop/A cru/Sur l'eau/Je fous le camp"). Sur ce titre, la voix reste délibérément en écho derrière un océan de reverb', se mêlant à la guitare cristalline et à la batterie hypnotique. Ce timbre éthéré, plus en avant dans les onze autres morceaux, installe une sensualité troublante.
L'album est décliné en quatre saisons. Un concept ? "J'ai envisagé les chansons de manière cyclique, avec aussi une volonté de séparation entre l'ombre et la lumière. Si on prend l'album dans son ensemble, il y a un début et une fin. Par contre, lorsque j'aborde une chanson, je n'essaie pas de penser à ce que je vais raconter. Je suis dans une démarche de tableaux, d'images en mouvement, d'émotions". D'où une écriture sensitive, voire impressionniste.
Cette approche inconsciente débouche parfois sur un ressenti intime, à l'image de Froid et de ses chœurs western. "Cela renvoie à l'histoire de ma mère qui a quitté, en 1962, l'Algérie pour Paris". Il y a chez Laura Cohen une forme contagieuse de mélancolie, belle et mordante.
Dans ses chansons à la grâce souvent fantomatique, il est question de départ, de fuite en avant, d'absence, de cavale amoureuse. Les éléments naturels semblent s'apprivoiser avant de s'embraser. Les entrelacs rythmiques prolongent l'envoûtement. Il n'y a désormais aucun doute : Nord n'est pas qu'un disque de saison(s), mais bel et bien un incontournable de l'année.
Laura Cahen Nord (Bellevue Music / Wagram) 2017
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