Le mouvement poétique de Frànçois & The Atlas Mountains

Frànçois & The Atlas Mountains. © Tom Joye

L’Afrique est toujours là mais ce n’est plus tout à fait la même. Avec son nouvel album, Solide mirage, le chanteur François Marry imagine une nouvelle géographie à son groupe. Notamment entouré d’un nouveau musicien, il déplace Frànçois & The Atlas Mountains vers un propos rugueux, où le politique se mêle au poétique. Rencontre autour d’un chanteur en perpétuel mouvement.

À l’image des choses, il est des mots qui ne vont pas très bien à certaines personnes. Pour le chanteur François Marry, la formule "chanteur engagé" relève presque du contre-sens. Quand on lui pose cette question, il y répond donc avec une grande prudence. "S’engager dans la musique, c’est embrayer le pas dans une manière de s’exprimer plus claire. Cela définit un être au monde conscient en tant que citoyen, côtoyant diverses communautés, participant à certaines, pas à d’autres. C’est une observation de tout cela. Peut-être aussi que j’avais fait le tour en matière de poésie impressionniste et naturaliste."

On utilisera donc le mot "concerné" pour qualifier Solide mirage, le sixième album du groupe Frànçois & The Atlas Mountains. En dessinant pendant très longtemps la carte d’une Afrique rêvée, on se doutait que le garçon avait quelque idée sur la question politique mais le propos restait dans le vague.

Sur fond de guitares électriques bruitistes et d’une basse martelée, Grand dérèglement change d’entrée d'écoute, le ton. La chanson met en parallèle les nantis du CAC 40, leurs "excédents", et le sort des migrants avalés par la Méditerranée. "Comme je vis dans une grande ville, je vois tous les jours des gens qui font la queue dans la rue pour avoir un visa", explique-t-il.

La douceur plus que le chaos

Le musicien né à Saintes, en Charente-Maritime, s’était acoquiné, après son passage à Bristol où il a formé Frànçois & The Atlas Mountains, avec la scène pop bordelaise. Installé depuis quelques temps à Bruxelles, il y a enregistré ce disque qualifié de "rugueux", loin de la nature. Avec sa pochette qui représente une "image de magazine brouillée", Solide mirage est une réponse dissonante à l’enchanteur Piano ombre paru en 2014. François Marry : "Le titre de l’album devait tourner autour du chaos, je voulais l’appeler 'Chaos solide', mais j’ai trouvé que la formule ‘Solide mirage’ offre un autre cheminement. Le mirage, c’est une vapeur d’eau, un espoir, même s’il s’agit d’un faux espoir. Il y a plus de douceur."

Les Atlas Mountains ont changé de membres, enregistrant le départ de Gérard Black et Pierre Loustaunau, et l’arrivée du musicien belge David Nzeyimana aux claviers. À la faveur de tous ces mouvements et d’un contexte anxiogène en Europe, le chanteur de pop indie a aussi retrouvé l’électricité de son "entrée en musique", une électricité plus proche de blues touareg que de ses envolées mandingues.

Sa première guitare -qu’il a conservée- fut une Epiphone Les Paul, et pour qui a rencontré l’adolescence à la toute fin des années 90, cette imitation du modèle mythique de Gibson raconte à elle seule une initiation musicale. Le rock énervé, les revues de partitions et des disques devenus une matière inflammable. C’est au milieu de ces repères que se situe le très punk Bête morcelée, mais pas seulement.

Aller vers le soleil

Sans les Atlas Mountains, François Marry a participé au très branché Paris Music Project du styliste et photographe Hedi Slimane. Initiée lorsque ce dernier était encore directeur artistique de la maison Yves-Saint-Laurent, cette séance photos a réuni à Los Angeles la nouvelle garde du rock français, parmi lesquels Radio Elvis, La Femme, Moodoïd, Grand Blanc ou Melody’s Echo Chamber. "C’était génial parce qu’après, à chaque défilé qu’il faisait à Paris, il y avait des after parties où des instruments étaient mis à disposition des musiciens. Vu qu’il y avait beaucoup de mannequins qui jouaient dans des groupes de punk de Los Angeles, cela prenait souvent cette orientation", se rappelle-t-il.  

Le garçon plutôt photogénique avoue par ailleurs un amour pour la contemplation. Ce qu’il retrouve dans la musique méditative ou dans la peinture. À propos de Panique à Ipsos, dans laquelle il veut voir "la France débarrassée de tous les irascibles, de tous ceux qui, lorsqu’ils parlent, médisent, crachent des grenouilles", il explique : "Le monstre qui crache des grenouilles dans les tapisseries de l’Apocalypse selon Saint-Jean exposées au Château d’Angers qui ont inspiré ce morceau, représente l’un des fléaux qui détruisent l’humanité. Celui de la mauvaise parole qui se répand sur terre. Donc, je dis que la plupart des malheurs sont causés par la propagation de discours néfastes. On passe tout notre temps à parler des choses qui nous polluent. Pourquoi ? Il vaut mieux parler des initiatives positives. Il y a tellement de gens qui font des choses formidables, des assos’, des profs,  des agriculteurs qui font le choix du bio. Il faut se tirer vers le haut, aller vers le soleil."

Frànçois & The Atlas Mountains Solide mirage (Domino Recording) 2017

Site officiel de Frànçois & The Atlas Mountains
Page Facebook de Frànçois & The Atlas Mountains

En concert à Paris à la Maroquinerie du 22 au 24 mars puis en tournée