Catastrophe, fais ce qu’il te plait
Défiant le déclinisme ambiant, le collectif Catastrophe fait feu de tout bois. Un livre et un disque, La nuit est encore jeune, ainsi que des expérimentations à Munich autour de Mai 68. Catastrophe voit poindre l’aube après la nuit.
Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Pourquoi Catastrophe ? "Le monde se dit déclinant, en train de s’achever. Il annonce sa propre fin. Nous en sommes les spectateurs, à une place amusée et créatrice" expliquent Pierre Jouan et Arthur Navellou, attablés dans un café au pied de la Butte Montmartre, à Paris. Cinquante ans après les mouvements de 1968, Catastrophe milite pour une "révolution discrète" afin de sortir notre société "de l’impasse". Le collectif rejette le cynisme, l’indifférence ou la résignation.
Avec Blandine Rinkel (qui a écrit un premier roman), les deux jeunes hommes forment le premier cercle de Catastrophe. Une douzaine d’autres personnes s’y ajoutent au gré des projets ou des performances. "Ce qui nous réunit, c’est la volonté de faire. C’est une approche de la vie, de ce qu’est aujourd’hui." affirme Pierre.
Nuits blanches
Un peu plus bas dans Paris, près de Pigalle, Catastrophe a passé quelques nuits blanches au cabaret Chez Madame Arthur, pour des concerts, lectures et performances, au milieu de l’année 2016. Des titres apparaissent sur le vif. Le collectif aurait bien enregistré de la même façon son premier album. Sur Radio Piaf, de 18h à 6h du matin, on a aussi pu les entendre lors d’un Réveillon de la Saint-Sylvestre.
La nuit sera le thème de ce que l’on appelle un concept-album : à chaque heure de la nuit correspond une chanson, de l’obscurité à la lumière. Musicalement, Catastrophe est versatile. Le rock des années 70 —plus pop que punk— le dispute au baroque et à quelques envolées, comme celles d’une chanteuse lyrique. L’orchestration est soignée, à base de piano et d'instruments à vent. On comprend que Bertrand Burgalat, le patron des disques Tricatel, ait aimé cette pop élégante, parfois grandiloquente, aux polyphonies éthérées. Étienne Daho a, parait-il, adoré.
Station d’essai et d’erreur
La nuit est encore jeune est le nom de cet album, mais aussi celui d’un livre-manifeste, paru en septembre 2017. Le collectif y écrit : "Le réel n’est pas un musée et nous ne voulons pas nous satisfaire de toucher le monde avec les yeux. Nous voulons le prendre à bras-le-corps et nous salir les mains."
Alors, Catastrophe agit-il ? Arthur expose : "Nous avons mis le doigt sur quelque chose qui nous obsédait : notre rapport à la politique et à l’engagement. Un artiste doit-il s’engager ou doit-il rester libre ? Chacun a des opinions différentes dans le collectif. Nous défendons l’importance du doute et de la contradiction."
À Munich, en Allemagne, Catastrophe a pu se questionner et imaginer. Le théâtre Kammerspiele avait invité plusieurs artistes à venir travailler, cinquante après, sur le thème de Mai 1968. Arthur : "Il s’agissait de retrouver l’imagination (créatrice) au pouvoir. Nous avons créé notre station d’essai et d’erreur. Lors d’ateliers avec des lycéens et étudiants, mais aussi sur Internet, nous avions demandé des idées que nous pourrions réaliser dans la mesure de nos moyens." Pierre ajoute : "Nous en avons développé certaines, comme des badges destinés à résoudre le problème de la non-communication entre les individus. Nous souhaitions aussi développer une application pour que des gens se rencontrent sans rien avoir en commun."
Dada
Six à huit membres de Catastrophe sont restés trois semaines en Allemagne. Les Français ont peut-être senti planer la présence de Marcel Duchamp dans la capitale bavaroise. Le dadaïste y avait séjourné durant trois mois en 1912, abandonnant la peinture avant de se lancer dans ses fameux ready-made (porte-bouteilles, urinoir…).
Les passants ont pu assister à un concert muet donné derrière la vitrine d’un magasin. Le collectif a en revanche fait parler les nombreuses statues de la ville en les affublant de panneaux : "Les statues meurent aussi", "Tout disparaîtra"… Comme une sorte de manifestation muette. L’art comme un substitut à la révolte, comme une réponse à un déficit d’imprévisible. Mais à ne pas trop prendre au sérieux.
Catastrophe La nuit est encore jeune (Tricatel) 2018
Page Facebook de Catastrophe