Chris, confessions sur la piste de danse

Chris sort un deuxième album, éponyme, dynamique et osé. © Jamie Morgan

Danse, sexe, funk, liberté et affirmation de sa masculinité, voici quelques-uns des éléments qui résument le changement spectaculaire qu'a connu Christine and the Queens, "Chris" comme elle se présente aujourd'hui. L'artiste est métamorphosée de la tête aux pieds à l'occasion de ce deuxième album dynamique, ouvert et osé. Un deuxième essai parfait pour faire luire les corps sur la piste de danse et mettre en sourdine le style classieux autrefois apprécié sur Chaleur humaine

Christine and the Queens a donc coupé aux ciseaux crinière et nom de scène pour se réinventer. Chris est désormais cette athlète-esthète tout droit sortie des années funk (et plus exactement G-funk) et "latin freestyle". Le baromètre énergétique à fond, l’éthylomètre de l’ivresse sexuelle dans le rouge, Chris frappe par son souci de dynamiter ses compos. 

Damn, dis-moi est une perle qui tourne beaucoup à la radio, rappelant que les Français savent faire de la musique pour plaire aux Anglo-Saxons (on pense à Get Lucky de Daft Punk) et au reste du monde. Après l'inattendu emballement autour de Chaleur humaine, plus d'un million d'albums vendus et quelques concerts mythiques sur les tournées de Madonna ou Elton John, elle a invité le musicien Dâm-Funk pour obtenir le son G-funk, à force de triturer basse et synthés, arranger le son avec chaleur, ampleur et clarté.

La chanteuse nantaise a voulu assortir ce hit d'un clip à la façon de Querelle de Rainer Werner Fassbinder, un film inspiré du livre de Jean Genet. Chris est fortement masculinisée. On pense au personnage d'Herman Melville, le marin Billy Budd, un être attachant, charismatique, attirant tous les hommes de l'équipage comme dans un élan naturel. 

Et comme un Corto Maltese réincarné, Chris promène sa nouvelle identité d'aventurière à la chasse aux nouvelles sources de désir. L’introduction de l’album claque comme dans les premières secondes du Dirty Diana de Michael Jackson. Mais ce morceau intitulé Comme si on s’aimait évoque aussi sa sœur, Janet, et sa voix tantôt suave, tantôt puissante, s'enchaînant à des rythmes mécaniques et gracieux. 

Le texte parle d’une chanson articulée autour d'un refus d'un être convoité. Une façon de poétiser la douleur, de passer à autre chose. L'amour brut, le sexe cru, la drague franche, le rejet cruel, l'amour vite fait, tout cela remplit l'album jusqu'au débordement. On relève quelques saillies : "Ma langue est le seul corps qui vraiment compte", "T’appuies au hasard pour la faire jouir...", "J'ai goûté sur une butch de LA... l'espoir défait"... "Chris", c'est sans doute pour ce savant mélange entre éléments dance, disco, pop et hip hop que ça fonctionne avec ce qu'il faut d'originalité dans la façon d'enchaîner les paroles de façon saccadée, pas toujours simple pour comprendre le sens du texte. 

Sur Goya ! Soda, Chris pousse le chant à la manière d'une Céline Dion punk s'allongeant sur un piano magistral, une posture à la frontière de la pop grandiloquente du groupe gallois Manic Street Preachers. La chaleur dans la voix et cette présence d'idiomes espagnols qu'on dirait emprunter aux Latinos de Los Angeles (Follarse) continue de symboliser cette écriture très libre d'Héloïse Letissier, une femme à la culture multiple, aux capacités artistiques transdisciplinaires et à la pansexualité affirmée. 

En filigrane, on sent chez Chris le poids de ces années à assumer d'être soi devant des têtes réprobatrices de plus en plus minimales. Comme si l'arrivée du deuxième album marquait une vraie exploration des plus vifs désirs de la chanteuse, sans faux semblant, sans honte. Le titre La Marcheuse pourrait se comprendre comme un nouveau pas vers la paix à l'intérieur de soi et dans les relations de l'auteur avec l'extérieur, le toreador qui glisse sous le soleil campagnard, traversant le village sous les coups d’œil suspicieux, Chris va amadouer un taureau en le caressant. Magnifique évocation d'une violence domptée, d'une sérénité peut-être finalement atteinte.

Christine and the Queens Chris (Because) 2018

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