Cats on Trees, un duo au soleil du pop-rock

Les Cats on Trees sont un beau tissu de paradoxes et une drôle d’alliance des contraires. Taillés pour le grand public, ils sont partis de la scène indépendante de Toulouse. Très produits, ils gardent un fonctionnement artisanal. Sonnant comme des Anglo-Saxons, ils figurent depuis dix ans parmi les protégés du label Tôt au tard, connu pour son travail de fond sur… la chanson française. Affichant une complicité sans faille, ce duo s’appuie en réalité sur deux personnalités opposées, "un yin et un yang" aussi complices dans leur amitié qu’ils le sont sur scène.

Il y a d’un côté Nina Goern, pianiste et chanteuse à la présence mystérieuse. De l’autre, Yohan Hennequin, batteur à la frappe solide et versatile. Ces deux-là se sont rencontrés au sein d’Aeria Microscosme, le groupe dans lequel ils évoluaient alors. Ils vivent un véritable coup de foudre musical. "Je me souviens de la première fois que l’on s’est vu. Il y a eu un éclair. C’est comme si on se reconnaissait. On répétait dans un tout petit local. Elle était en face de moi. Elle jouait assise par terre. Quand elle est partie, je ne voulais pas qu’elle parte. C’était bizarre !", rembobine Yohan.

Des chansons d’amour

S’ensuivent une colocation et la formation de leur groupe. Ce sont les découvertes du Printemps de Bourges qui les révèlent en 2010. Mélodies accrocheuses, refrains faciles à retenir, et motifs tubesques… Au moment de sortir son troisième album, Alie, nos chats forment un groupe expérimenté. Les ex-jurés du télé-crochet The Voice, en Belgique, creusent une veine pop-rock en anglais et – de plus en plus – en français. Leur single Please Please Please affiche un refrain lumineux et enjoué qui tranche avec un couplet plus sombre ; il en ressort quelque chose d’évident. "On aime créer, on aime jouer avec la musique, y passer un temps fou. On n’est pas capables d’écrire des chansons et de s’arrêter à la fin de la journée. On a besoin de les triturer", explique Nina.  

À chaque titre correspond une atmosphère particulière, de l’enjoué Wake Up à l’entêtant Took Took Took. S’ils chantent des chansons d’amour, le duo s’aventure parfois sur des thèmes moins évidents. She Was a Girl, évoque la transsexualité, s’inspirant directement du documentaire Petite fille, de Sébastien Lifshitz, qui raconte l’histoire d’un petit garçon se sentant fille.

Dad On The Moon touche à la perte précoce d’un père. De même, avec Tendresse, qui parle de l’amour entre deux parents… "J’ai eu la chance d’avoir des parents qui s’aimaient très fort. Je l’ai vu de mes propres yeux. Je l’ai vécu comme un cadeau. Grâce à cela, je suis peut-être quelqu’un de très naïf, mais je leur dis 'Merci !'. Si j’avais la conscience du réel, je serais peut-être très malheureuse", constate Nina.

Cette "naïveté" et ce côté bancal sont très touchants. On regrette souvent que ces aspérités ne soient pas plus mises en avant dans une très grosse production. Travaillé par le producteur anglais Liam Howe (FKA Twigs, Lana Del Rey, Adele…), avec lequel les Cats on Trees ont échangé à distance, le disque a été mixé par Mark "Spike" Stent (Madonna, No Doubt, U2...), autre orfèvre du son anglais.

Il a pourtant été imaginé à la maison, à partir de chansons sorties de leurs tiroirs en plein confinement. "On compose chez nous. Pour l’enregistrement, on aime bien ne pas faire de rupture avec ce processus de composition. J’ai construit des panneaux acoustiques avec du bois et du tissu, acheté des micros pour enregistrer le piano du salon un peu comme les Beatles. On a fabriqué une espèce de cabine d’enregistrement avec des tapis et des tentures pour des prises de voix chez Nina. On a fait ça tout en douceur. On faisait des petits plats entre les chansons", explique Yohan.

Composition et enregistrement à la maison

Le batteur l’assure, ce troisième album est "ce qu’ils ont fait de mieux de toute leur vie". Mais comment le groupe qui a poussé au sein de la scène indépendante s’est-il mué en formation "pop-rock" ? Et comment nos chats retrouvent-ils leurs petits ? "Quand j’étais enfant, j’ai commencé par la pop. C’est juste que dans les années 1990, le genre principal qui nous a poussés à faire de la musique c’est le grunge et le metal. On écoutait un groupe qui s’appelait Silverchair, qui était un avatar de Nirvana et qui avait de super mélodies. Même quand j’ai fait du rock, j’ai toujours été un amoureux de la mélodie", explique Yohan. Yohan Hennequin a fait ses armes sur la scène hardcore avec le groupe local My Own Private Alaska, avec lequel il a effectué des tournées internationales et appris à tout faire par lui-même.

Mais l’un des principaux atouts de Cats on Trees, c’est la voix de Nina Goern. Une voix chaude et presque adolescente, à fleur de peau. Cette voix a mis très longtemps à sortir pour une chanteuse qui a été très longtemps d’une grande timidité. "Je ne chantais absolument pas et c’était inconcevable de le faire, explique-t-elle. C’est Yohan qui m’a écouté chanter, et qui m’a encouragée. J’ai mis à peu près dix-huit ans à accepter cette idée. Il y a justement eu un déclic sur cet album… Quand on enregistre en dehors de la maison, on perd tous ses repères. Jusque-là, je n’arrivais pas à donner du sens au chant. Le fait d’être chez soi, d’enregistrer dans sa chambre, de prendre le temps, c’est comme un rite de passage. Je ne suis plus la même personne aujourd’hui."

Les deux musiciens à la "vie simple" n’ont pas coupé les ponts avec Toulouse, en dépit de deux albums bien accueillis. Ils préparent actuellement un spectacle qui doit "plonger le spectateur dans leurs rêves", avec un décor convoquant les effets spéciaux de Georges Méliès et des dessins qu’ils ont animés. Une griffe "féerique" qui va finalement bien à des chats pour le moins équilibristes. 

Cats on Trees Alie (Tôt ou tard) 2022

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