La double offensive musicale d’Admiral T

Admiral T. © Happy Man Photography

Créer l’événement est une stratégie qu’Admiral T sait élaborer et conduire avec efficacité : ce samedi 15 avril, le porte-étendard du dancehall antillais veut marquer les esprits et faire une démonstration de force en se produisant dans la plus grande salle parisienne et en sortant le même jour son nouvel album Totem. Rencontre.

RFI Musique : Qu’est-ce qui vous a incité à vouloir vous produire à l'AccorHotels Arena, la plus grande salle parisienne qui peut contenir plus de 20 000 personnes, ce qu’aucun chanteur antillais n’a tenté, hormis le groupe Kassav' ?
Admiral T
 : J’y ai déjà fait pas mal de shows, de scènes, lors de festivals comme le Garance Reggae Festival ou Le Grand Méchant Zouk, mais ça ne m’est jamais venu à l’esprit dans ces moments-là. En fait, pour moi, c’était une suite logique : j’ai fait trois fois le Zénith de Paris, et comme avec ma femme, on aime toujours aller plus loin, on s’est dit que l'AccorHotels Arena devait être la prochaine étape. Une consécration à partager avec toux ceux qui me suivent en concert, car je n’ai jamais été un gros vendeur de disques. Et en première partie, on va faire découvrir trois artistes talentueux : la Guadeloupéenne Estelle B, le Guyanais Saifa et la Martiniquaise Dod Milca. Ils ne sont pas connus, mais méritent de l’être, et une première partie à la base doit servir ça : donner un vrai coup de pouce.

Votre carrière en métropole a d’ailleurs véritablement démarré lors de votre prestation au Zénith de Paris en octobre 2003, alors que vous étiez en première partie du Jamaïcain Sean Paul. Comment l’expliquez-vous ?
Oui, c’est vrai, ça a tout changé. Ce n’était pas spécialement mon public, mais celui de Sean Paul – 10% des spectateurs étaient là pour moi. Il était la star montante, beaucoup de professionnels des maisons de disques étaient venus pour lui et m’ont découvert à cette occasion-là. On avait 45 minutes pour prouver et on savait pertinemment qu’il y avait un coup à jouer, qu’il fallait conquérir un public qui ne serait pas le mien, ce que j’adore faire – c’est pour ça que j’aime jouer dans les festivals, on a toujours l’impression d’être un artiste qui commence ! En plus, on savait que Sean Paul n’était pas extraordinaire sur scène. Donc si on faisait un bon show, le public s’en souviendrait et ce serait un bon coup de starter.

Vous parlez de show et non de concert. Qu’est-ce que cette approche a de différent pour vous ?
Je me mets toujours à la place des spectateurs quand je vais à un concert, au cinéma, voir un spectacle. Il faut qu’au niveau du rythme, il y ait des variations, en tout cas qu’on ne s’ennuie pas. Quand je monte sur scène, avec les musiciens, on doit tous se faire plaisir, sentir qu’on est en train de faire quelque chose de spécial. On essaie de donner plus, en pensant à celui qui ne connait pas spécialement mon répertoire, mais qui est venu comme s’il était allé voir un bon film qu’on lui a recommandé, mais dont il ne connait pas les acteurs.

Depuis quand préparez-vous ce concert à l'AccorHotels Arena ?
Au moins un an et demi. Pour cette salle, afin que tout le monde soit au courant, on doit commencer à communiquer au moins un an à l’avance. Et psychologiquement, il fallait qu’avec ma femme, on soit prêt, avant même que j’appelle mes musiciens, mes danseurs, mon chorégraphe et que je leur dise mon intention.

Votre nouvel album Totem, qui sort le jour du concert et sera offert aux spectateurs, est le sixième de votre carrière. Qu’est-ce qui est similaire et différent, depuis 15 ans, dans votre musique ?
Ça a beaucoup évolué sur le plan musical : quand j’ai commencé, je faisais du dancehall pur, je ne savais que toaster et au fur et à mesure, je me suis mis à chanter un peu plus, à jouer de la guitare et à composer avec, après que ma femme m’en a offert une… Tout ça permet d’évoluer en termes de compositions. Mais sur le fond, je veux faire passer les mêmes messages. J’ai juste changé d’approche. Les thèmes que j’abordais, je les traite aujourd’hui de manière plus poussée au niveau de l’écriture. Et ce que je faisais avant, je sais toujours le faire, et j’y prends plaisir, comme les mixtapes par exemple. J’ai ajouté des cordes à mon arc, tout simplement.

Êtes-vous toujours un artiste de reggae dancehall, comme vous le revendiquiez dans la chanson Pi Yo Mèt Bayé ?
Je ne suis pas le seul à évoluer, la musique aussi évolue. Quand j’ai commencé, ça ne s’appelait même pas encore dancehall : on parlait de ragga en Europe, et aux Antilles, on appelait ça boggle… Ce n’était pas encore bien défini. Ça découlait du reggae, puis le dancehall est devenu une musique à part entière au début des années 2000. Pour moi, il était à son sommet à ce moment-là, avec des compositeurs en Jamaïque comme Jeremy Harding, qui faisait des instrumentaux avec des gimmicks qu’on retenait. Il y avait une palette d’artistes : Sizzla, Elephant Man, Bounty Killer… Chacun avait sa couleur. Aujourd’hui, ça a un peu changé, ce n’est plus aussi diversifié, mais c’est une musique qui perdurera, parce qu’en Jamaïque, les gars ont toujours aussi faim !

Admiral T Totem (Elise Base) 2017
En concert à l'AccordHotel Arena (Paris)  le 14 avril 2017

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