Diaz, rap et cultures populaires à Alger
Diaz, l’ancien rappeur de MBS sort un nouvel album, El Houma. Une ode à la culture urbaine de son quartier algérois, Hussein Dey, mais aussi un projet pour développer la création culturelle populaire. Rencontre.
Quand on lui demande de se présenter, il répond simplement "Farid, ouled el houma (fils du quartier)". Pourtant, Diaz a traversé 20 ans de scène rap algérienne. Membre du collectif Secteur H, puis du célèbre groupe MBS (Micro Brise le Silence), au début des années 2000, il est un "ancien", une "star" disent certains.
Né en 1982, dans le quartier d’Hussein Dey, à Alger, Diaz, a commencé le rap lorsqu’il avait 13 ans. "C’était la seule musique et la seule poésie, qui acceptaient ma façon d’être et ne m’obligeaient pas à ne parler que d’amour ou de tristesse", raconte-t-il.
Son surnom, en référence au médicament antistress diazepam, vient d’une blague de copains sur sa timidité. Jean, baskets et petite veste en cuir, Diaz parle toujours doucement, avec un grand sourire. Il a l’apparence du "mec normal", mais son travail brise les codes, abolit les frontières entre les genres culturels, tout en restant ancré dans la culture populaire algérienne.
Des artistes autour du "quartier"
Son nouvel album, El Houma, en est le parfait exemple. "El Houma, si on le traduit littéralement, c’est le quartier. Mais ça vient du mot 'protection'. C’est notre protection, notre Casbah, ce qui réunit un groupe d’individus qui partagent un même espace de vie", explique-t-il.
Il lui a fallu 10 ans de travail pour réunir une quinzaine de morceaux. Une décennie au cours de laquelle il étudie les modes de fonctionnement du quartier. Ce travail le pousse à créer un collectif et un média alternatif. El Houma n’est pas seulement le titre de son album, mais aussi le titre d’un projet qui réunit des photographes, des graffeurs, des vidéastes, des musiciens et aussi des supporters Ultras de l’équipe de football d’Hussein Dey, le NAHD. Objectif : permettre la transmission de la culture populaire algérienne et donner un espace aux différents artistes pour qu’ils se rencontrent.
"La culture urbaine algérienne n’est pas une culture comme on la connait dans les mégapoles. Ici, la ville est la continuité du village. Des jeunes écoutent Cheb Hasni, des vieux écoutent Al Anka, des femmes écoutent Oum Kalthoum. De là, avec toutes ces références, on crée", analyse le rappeur.
Cultures populaires algériennes
Dans La Bataille d’Alger, un titre qui n’est pas sur l’album et sur lequel il partage le micro avec Rabah Donquishoot, l’ancienne star de MBS, le trentenaire laisse entendre que les inégalités de l’époque de la colonisation n’ont pas complètement disparu. Le clip est monté à partir des images en noir et blanc du film éponyme de 1966 de Gillo Pontecorvo.
Pour l’un de ses nouveaux titres, #Civil fi bled el 3askar (Un civil au pays des militaires), Diaz a aussi fait converger le rap et musique traditionnelle chaâbi, dont les sonorités sont dominées par la derbouka et la mandole. Le clip est tourné dans le local de El Houma.
L’un des musiciens, Cheikh Sfendja, fait partie des proches de Diaz. "Toutes les personnes du projet El Houma se sont rencontrées à travers Farid. On part tous du principe que la musique, le cinéma, la culture doivent être accessibles et proches de ce que l’on est", explique-t-il. Un proche du groupe ajoute : "Farid est quelqu’un qui a une vraie pensée politique. Son rapport à la rue n’est pas que du folklore. Pour lui, tout le monde a le droit à la parole et il ne faut pas attendre qu’on nous la donne".
Indépendance
Pourtant, la politique, Diaz a choisi d’en rester éloigné. Pas d’aide du ministère de la Culture, pas de concerts dans des salles publiques, puisqu’elles sont gérées par les collectivités. Certaines de ses chansons ont été censurées. "Je n’écris pas pour plaire, sourit-il. J’écris par devoir envers moi-même".
Conséquence, pour créer, il lui faut utiliser le système D. Les travaux du local de El Houma ont été faits par les membres, "petit à petit". Au mur, une photo en noir et blanc a été imprimée sur une toile et accrochée. Le photographe, Youcef Krache, lui aussi membre du projet, travaille depuis plusieurs années sur "la rue" : "La vraie question est : comment l’environnement peut influencer les habitants. À Hussein Dey, on vit entre les cités et l’architecture coloniale. El Houma, c’est une synergie des disciplines, un bon mariage, qui va avoir des répercussions positives".
Le site internet du projet présente des initiatives de street art ou "d’occupation des espaces", comme celle des friches de El Medreb. Désormais, Diaz attend l’arrivée de matériel audio et vidéo d’ici quelques semaines pour lancer une web-radio et une web-télé.
Diaz El Houma (Autoproduction) 2017
Page Facebook de Diaz