Roméo Elvis, grand frère à croquer
Le rappeur belge revient avec Chocolat, un premier album solo. À 26 ans, Roméo Elvis s’est fait connaître avec sa voix grave et ses textes à la coule. Cette fois-ci, il assombrit son registre, mais tape juste. Cet enfant de la balle est en passe de devenir un phénomène, tout en évitant les débordements d’Auto-tune.
Cette fois-ci, il est seul sur la pochette, les yeux presque clos, et cela n’a rien d’un hasard. Après deux disques en compagnie du beatmaker Le Motel, Roméo Elvis publie officiellement son "premier album" solo, signe de lendemains qui chantent pour lui. Avec sa voix grave et sa maîtrise des réseaux sociaux, le rappeur est devenu l’une des coqueluches d’une scène belge qui fait actuellement des millions de vues sur YouTube et d’écoutes sur les plateformes de streaming.
Celui qui chantait il y a trois ans Bruxelles arrive ne croyait pas si bien dire, tant l’heure de la célébrité semble avoir sonné pour lui. À 26 ans, on ne présente déjà plus le fils de la comédienne Laurence Bibot et du chanteur Marka, bien connus en leur royaume, et grand frère de la chanteuse Angèle. C’est d’ailleurs lui qui a lancé sa petite sœur sur scène, lui faisant faire ses premières parties, avant de partager avec elle Tout oublier, tube familial et fédérateur.
Rap à la coule
Le succès fulgurant d’Angèle a éclipsé un temps son frère, dont on croque volontiers le Chocolat élaboré avec le producteur masqué Vladimir Cauchemar. Cet album-fleuve – plus d’une heure, dix-neuf titres- apparaît comme un bon résumé de ce qu’il a proposé, un rap à la coule dont les instrus jazzy ont tourné à une électronique sans débordements d’Auto-tune. Mais la tonalité s’est assombrie, comme si la notoriété compliquait les choses (Normal). Les thèmes ont gagné en épaisseur, lorsqu’il évoque la perte de ses amis (En silence), cible une extrême-droite qui prospère sur les réseaux sociaux (Cœur des hommes), ou un passé colonial qui justement ne passe pas.
"J'suis vraiment fier d'être Belge, même si j'ai honte de nos ancêtres (oh ! putain) (ah, c'est du passé) / Vive notre économie (réveillez-vous là), on n'en serait pas là sans les colonies / Et même si je suis vraiment fier d'être Belge, j'ai quand même honte de c'qu'on enseigne, Theo Francken, Theo Francken", dit le refrain de La Belgique Afrique, qui cite l’ex-secrétaire d’État à l’Asile et à la migration du gouvernement fédéral belge et figure de la droite nationaliste flamande.
Mais ce qu’on aime bien chez Roméo Elvis, c’est quand il invite -M- ou célèbre la joie simple d’avoir trouvé sa moitié. Alors, le Soleil revient et, même si cela fait fondre le chocolat – belge, s’entend-, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Roméo Elvis Chocolat (Barclay) 2019