RCKNSQT, rebelle avec cause
Rockin Squat, alias Mathias Cassel, désormais RCKNSQT, est de retour avec un nouveau projet intitulé 432. Artiste sincère, artisan du rap, pionnier du hip-hop, il s'est branché sur la fréquence terre pour un album "tourné résolument vers l’avenir". Entretien.
Son nom résonne avec l’histoire du rap français. Présent sur la compilation fondatrice Rapattitude en 1990 avec son groupe Assassin (La Formule Secrète), Rockin' Squat, alias Mathias Cassel, n’a cessé de parsemer les trois dernières décennies de ses imprécations rapologiques. Fils d’une famille d’artistes (son père Jean-Pierre était acteur, comme son frère Vincent), Mathias a vécu une partie de son enfance aux États-Unis où il a collaboré avec de nombreux rappeurs majeurs (KRS-One, Supernatural, RZA, Ol’ Dirty Bastard, Immortal Technique).
Volontiers provocateur, il a été persona non grata à la télévision française en 2008 après son passage en direct au Grand Journal de Canal +. Invité avec son frère Vincent Cassel pour la promo du film sur Jacques Mesrine L’Instinct de mort, il a interprété France à fric, une chanson dénonçant l’implication occidentale dans les affaires africaines ("L’indépendance de l’Afrique personne n’en veut/ Surtout pas les démocraties d’Europe qui ferment les yeux") au lieu du titre prévu, Enfant de la balle. Il fera référence au boycott qui s’en suivra en 2011 dans Disque de lumière : "On ne m’invite plus à la télé depuis que Denisot a pris la banane du siècle, donc tous les collabos se sont donné le mot/ En France, il n’y en a qu’un, qu’on n’achètera pas à coup de dollars américains/ Je suis l'Assassin, à ne pas confondre avec le rap français, ma musique te rentre dans l’boule sans nationalité".
À 50 ans, Squat a changé. Père de famille, partageant son temps entre la France et le Brésil où il réside principalement, il sort ces jours-ci 432, un album qui revient sur l’histoire du hip-hop. Un disque de 14 chansons, "enregistré à New York et mixé à Los Angeles", comme il l’annonce fièrement sur son site univers432, et qui se conclut avec le titre Rap de mon âge. Un morceau où Squat (enfin, RCKNSQT maintenant) prend la posture du patriarche : "Cet arbre qui mûrit, qu’on n’a pas mis en cage/ Cette formule active qui tous les jours se propage/ Cette panthère du 18 qui est restée sauvage/ Ce jeune vétéran qui parle à tous les âges/ Yeah, ce rap qui nous aide et qui fait bien son âge". S’il refuse désormais de trop évoquer ses convictions conspirationnistes (quelques questions de l’interview qui suit sont restées sans réponses), Mathias reste un artiste sincère, artisan du rap et amoureux de ce hip-hop qu’il revendique et défend depuis sa plus tendre enfance, au début des années 1980.
RFI Musique : Hello Mathias. D’abord, pourrais-tu nous en dire plus sur cette mystérieuse fréquence qui donne son titre à l’album ?
RCKNSQT : Pour faire court, c’est le retour à la fréquence naturelle de la terre. En 1936, l’American Standards Association demande que le "La" passe en 440hz, la fréquence d’accord artificielle standard imposée qui agresse et blesse les populations, occasionnant une agitation psychosociale et une détresse émotionnelle qui prédispose les gens à la maladie physique. Dans mon album, nous avons retrouvé le "La"originel du 432hz, la symétrie des vibrations sacrées et des harmoniques. Ce disque est mon projet le plus travaillé et le plus abouti depuis de nombreuses années, et bien sûr je vais partir le défendre sur scène en live avec mes musiciens dès que possible. Il est disponible en physique uniquement sur mon site.
Y a-t-il d’autres albums de rap (ou d’autres musiques, d’ailleurs) qui l’ont utilisé ?
En rap, je ne peux pas en citer mais d’autres artistes dans d’autres styles de musique, oui bien sûr. Je ne suis pas le premier et, je l’espère, pas le dernier.
Pourquoi cette "nouvelle rthgrf sans voyelles", "RCKNSQT", pour ton nom ?
J’ai fait tomber les voyelles pour laisser de la place aux harmoniques.
La majorité des morceaux a un arôme nostalgique, tourné vers les années 1990. Est-ce parce que tu penses que le rap, c’était mieux avant ?
Je ne pense pas du tout que cet album ait un arôme nostalgique. Bien au contraire, c’est un album tourné résolument vers l’avenir tout en ayant ses racines plantées dans le passé pour que sa structure soit solide. Des titres comme Vocab, Omerta ou NY Network racontent le passé et ses racines, c’est vrai. Mais d’autres titres comme En haut du trône, Leaders, Mieux vivre ou Clown sont complètement dans le présent et le futur. 432 est un album qui n’a pas de période définie, vous vous en rendrez compte avec le temps.
Le rap français d’aujourd’hui est en majorité ludique. Désormais, on peut faire du rap sans prendre position. Beaucoup de nouveaux artistes trouvent que c’est un progrès. Et toi ?
Ne pas prendre position, c’est déjà une position ! C’est traducteur de la période que l’on vit. Je vais vous prendre deux exemples : j’ai proposé mon nouvel album à l’industrie avant sa sortie. 80% des réponses ont été "C’est un magnifique projet, mais trop adulte !" Ce qui traduit que le courant qui règne en maître sur l’industrie est le divertissement pour ados, pour que la musique en général reste à cette place. Selon les crises que le monde traverse, tous les domaines sont touchés par cette volonté de ne pas mettre en avant des personnes qui ne vont pas dans le sens des élites. Dernièrement, le professeur Didier Raoult avec la crise du Covid-19 et ses opposants comme le Dr Yves Lévy et sa femme Agnès Buzyn en sont un exemple frappant. Même les plus grands médecins, scientifiques, professeurs sont décriés par le corps dirigeant s’ils ne vont pas dans le même sens qu’eux.
Tu as toujours aimé name dropper des hommes politiques, activistes, artistes, poètes ou dictateurs dans tes chansons. Là, un de tes morceaux s’intitule Verlaine. Tu crois encore que le rap peut permettre de faire accéder son public à la culture ?
Le monde en général est coupé de ses racines historiques et philosophiques. Qui étudie encore Socrate, Confucius, Platon, Hermès Trismégiste ? Qui connaît l’Histoire de France ? L’Histoire des Antilles ? L’Histoire de la science, de l’astronomie, de la physique quantique ? Nous vivons dans une période où très peu de gens s’intéressent à des choses par eux-mêmes. Les moutons vont tous dans la même direction, ce n’est pas qu’une question de rap. Ils rêvent tous d’octogone ou du cul des Kardashian !
Tu as commencé ta carrière à visage découvert, puis tu as avancé masqué et aujourd’hui, tu cites carrément ton vrai nom dans tes morceaux. Quelle a été la logique qui t’a amené à cette démarche ?
J’ai eu la chance depuis mon plus jeune âge d’avoir grandi entouré de belles personnes qui n’avaient rien à prouver aux yeux des autres, et qui m’ont appris à être libre. La plus grande liberté dans l’art est de ne répondre à aucune limite et de faire ce qu’on a envie de faire, au moment où l’on veut.
À une époque, tu exigeais de relire les interviews avant parution, et on t’a accusé de pratiquer la censure. Regrettes-tu cette soif de contrôle qui t’habitait ?
Combien de journalistes doivent soumettre leurs articles à leur rédaction avant parution ? Combien d’hommes politiques ont des discours écrits et réécrits par une équipe de personnes avant qu’ils ne les lisent publiquement ? Je n’ai rien inventé. Ce n’est en aucun cas "une soif de contrôle" mais plutôt une pleine conscience de ne pas parler trop vite et sans savoir, comme toutes les personnes qui s’exposent et développent des sujets sensibles aux yeux du monde.
Selon toi, quel titre représente le mieux ton nouvel album ?
Son titre, 432 !
Qu’est-ce qui a guidé ton choix restreint de featurings sur l’album ?
Aucun, ça s’est fait comme ça. Quand je commence un titre, je ne pense pas à un featuring en particulier. Je pense à une collaboration si le choix du morceau l’impose. Comme sur Omerta : je savais qu’il me fallait une des plus grandes voix corses sur ce titre. Et j’ai eu la chance que Petru Guelfucci accepte mon invitation. Quelle chance ! Mais mon album est composé de A à Z, j’ai plus de quinze musiciens et choristes qui jouent sur les morceaux. Ce sont de gros featurings à mes yeux.
L’égo trip a toujours fait partie du hip-hop. Que réponds-tu à ceux qui te disent que tu en fais trop ?
"Le plus grand poète dans l’histoire du rap en France, comme un duelliste je t’abats avec élégance !"
Es-tu toujours citoyen brésilien malgré la dictature annoncée de Bolsonaro ?
Oui malheureusement, toujours résident brésilien avec Bolsonaro. Toujours résident américain avec Trump. Et toujours français avec Macron ! J’ai pioché le brelan gagnant…
Quels disques français parus ces dix dernières années t’ont touché ou ému ?
En langue française Charles Aznavour, Jacques Brel, Serge Gainsbourg, Serge Reggiani, Édith Piaf, Claude Nougaro, Nino Ferrer… Désolé, tous les disques de ces artistes ont plus de 10 ans !
Dans le clip de Vocab, tu utilises des vieilles images d’archive. Que dirais-tu sur cette époque à un fan de rap qui a 15 ans aujourd’hui ?
Ce que je dirais à un fan de rap de 15 ans est la même chose que je dirais à n’importe quel adolescent : "Crois en tes rêves, fais tout pour les atteindre, tout en respectant les principes sains de la vie. Écoute les anciens, profite de tes parents, aie la patience comme la nature, mais garde la fougue de ton âge."
Tu regrettes l’époque où Assassin avait atteint le disque d’or ?
Je ne regrette rien en ce qui concerne l’artistique et je me concentre plutôt à amener mon nouvel album 432 au disque d’or, comme tous mes albums. C’est un travail de longue haleine pour un artisan face à la machine.
Quel est ton vœu le plus cher pour la suite de ta carrière ?
Ma carrière est secondaire dans mes vœux les plus chers. Je travaille dur pour garder la santé physique et mentale et pour que ma famille et mon entourage soient équilibrés et heureux. Le reste n’est que du bonus.
RCKNSQT 432 (Livin'astro) 2020