Captaine Roshi, trappeur des mers

Le chanteur Captaine Roshi, à Paris, le 25 avril 2022. © Marine Jeannin / RFI

Le jeune Parisien Captaine Roshi rappeur-trappeur originaire de Kinshasa, vient de sortir un premier album très attendu, Larosh. Une production à la hauteur des espoirs de ses fans, portée par des sonorités trap dansantes, un flow bien à lui et la voix cassée dont Roshi a fait sa marque de fabrique.

Roshi était un jeune de Kin, "un petit qui courait partout, dans la forêt, dans la rue, qui allait embêter les animaux, faire la fête". Cherchant à canaliser cette énergie tumultueuse, il a trouvé la solution, adolescent : la musique. Il s’y lance à corps perdu dès son arrivée en France : "Mes grands frères ramenaient leurs potes dans ma chambre et ils me disaient : 'vas-y, chante'." Roshi a grandi. Il est désormais rappeur, trappeur, pirate, "capitaine" : son titre de scène, que ses amis lui ont décerné "parce que je suis le fer de lance de l’équipe", admet-il sans fausse modestie.

La piraterie, c’était déjà la marque de fabrique de Booba depuis 2000 et Lunatic. Sans trembler, Roshi s’en est emparé. "Ce n’est pas moi qui me suis inspiré de Booba, c’est lui qui s’est inspiré de moi, il rigole. Booba, c’est un dictateur, il agit seul. Moi, je suis un capitaine : j’écoute tout le monde, on discute ensemble, on avance ensemble. Ce n’est jamais 'je', toujours 'on'." Sa piraterie à lui vient de son manga fétiche, One Piece, qui suit les aventures d’un garçon aux pouvoirs magiques et de son équipage. De son histoire intime, surtout : c’est par bateau que l’adolescent est arrivé en Europe, à 12 ans à peine. Aujourd’hui, c’est lui qui tient la barre.

Premier album

En ce premier printemps post-pandémie, les albums de rap fleurissent comme des bourgeons : Iconique du Juiice en février, M.A.N de Josman en mars, et maintenant Larosh, premier album du jeune Captaine, 25 ans au compteur. "Bientôt 26, je n’ai pas hâte", râle-t-il en terrasse d’un café de la rue Tiquetonne, dans le très chic IIe arrondissement parisien où il habite aujourd’hui.

Repéré par le label Virgin dès ses premiers freestyles en solo (il perce fin 2016 avec Elle sur Soundcloud), il signe sur ce label fin 2018 avant de mitrailler les projets à la sulfateuse : Attaque en novembre 2019, Contre-Attaque en février 2020, WAR en mai 2020, Attaque II en novembre 2020, avec pour l’occasion un passage dans les studios berlinois de Colors, où il livre une performance exceptionnelle sur Pigalle.

Et puis pendant un an, plus rien : il faut attendre octobre 2021 pour entendre son Road to Larosh, annonciateur de ce premier album. "Larosh n'a rien à voir avec mes projets précédents, confie l’artiste. C’est plus privé, plus intime. Je raconte mes problèmes, mes joies aussi. Ça m’a pris du temps de dépasser ma timidité initiale et d’arriver à m’ouvrir en studio comme ça, devant tout le monde !" Un public beaucoup plus large l’attend le 29 avril, quand il se produit au Trabendo (700 places) à guichets fermés.

D’introspection, il en est beaucoup question dans cet album. "Déprimant comme un jour de pluie l'dimanche / J'fume puis pense à comment m'échapper d'la vie." (Régiment) D’amour, aussi. "On n’écrit pas de bonne musique quand on est heureux en amour. C’est trop plat, trop rose. Les beaux morceaux ont toujours une part d’amertume."

Il ne dédaigne pas balancer quelques punchlines sexistes ("Elle veut que mon biff la hoe" (Nouvel arc), "T'es qu'une timp' dis pas 'chéri'" (Ro Larosh), un exercice incontournable dans la trap (masculine), mais les dose avec parcimonie.

Congo for ever

À rebours d’un rap français prompt "à dévaloriser les femmes", il l’avoue sans sourciller, il préfère les enseignements de la rumba congolaise, "celle qui célèbre les femmes, qui les met même sur un piédestal".

Roshi appartient à cette jeune génération de rappeurs français qui, dans le sillage de MHD et ses célébrissimes Afro Trap(s), ont tourné le dos aux États-Unis pour trouver l’inspiration sur le continent africain. "Grandi avec le riz еt le madesu / J'écoutais Koffi puis Madilu / On connaît la street, pas Malibu", chante-t-il dans Yaka Lelo. "Quand je veux faire du Roshi, pas de la pure trap, mais mon style à moi, je suis obligé de prendre du temps pour réécouter des sons congolais. Ça fait partie de mon processus, de mon essence. Moi, je veux que les artistes congolais m’écoutent et se disent 'Ah ce petit, il est comme nous !'"

 

On l’aura compris, Roshi détonne dans le rap parisien. Jusqu’à son look : des traits fins, des sapes soignées (il porte beau dans le clip d’Amère, en costard-chemise et la clope au bec), le nez percé d’un septum et une petite croix au lobe droit. Et sa voix, surtout : rocailleuse, embrumée, c’est une voix plus vieille que lui, qui donne l’impression d’avoir été forgée par des années de débauche.

"Je crie beaucoup, c’est pour ça", raconte-t-il rigolard. Son énergie d’enfant ne l’a pas quitté : c’est elle, aujourd’hui, qui alimente sa trap unique, "pour faire danser en soirée, comme au Congo". Le genre, résume-t-il, est moins cloisonné que le rap à l’ancienne : moins sentencieux, plus festif. "Je tiens à mon côté con. C’est ça pour moi, être un pirate. C’est rire beaucoup, boire beaucoup, avancer toujours. Être libre, surtout."

Captaine Roshi Larosh (Virgin Records) 2022
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