Rap sous tension aux Francos de La Rochelle avec Booba et Vald

Le rappeur Booba sur la scène des Francofolies 2022. © Romain Perrocheau/AFP

Les Francofolies de La Rochelle qui se sont achevées dimanche 17 juillet avec le concert de la désormais incontournable Clara Luciani, a consacré pour la première fois deux de ses cinq soirées à la scène rap. Si la première a été complètement gâchée par le clash entre Booba et Vald, la seconde n'a été qu'un enchantement permanent.

Déjà en 2020, juste avant que le contexte sanitaire ne vienne contrecarrer les plans initiaux de l'édition, les Francos avaient impulsé une dynamique presque similaire avec une soirée annoncée autour de PNL et une autre autour de Nekfeu. Voire même une troisième puisqu'on aurait volontiers tendance à ranger Dadju dans la boîte ouverte de pop urbaine.

Il n'y a rien de surprenant donc que cette esthétique soit à nouveau, cette année, largement mise à l'honneur. "Se couper de l'urbain pour un festival qui veut grandir avec son temps serait une hérésie. Aujourd'hui, 80% des 16-25 ans n'écoutent quasiment que ça. C'est le courant musical dominant et La Rochelle se veut une vitrine de la production musicale française. Plus qu'une nécessité, c'est un devoir", assure Pierre Pauly, son programmateur

Il était loin de s'imaginer, lors de la constitution des têtes d'affiche, qu'un climat sous haute tension allait régner toute la journée du vendredi. Booba et Vald n'avaient, en effet, pas encore lancé les hostilités de leur guerre de communication sur les réseaux sociaux (origine de la brouille : le Duc de Boulogne reprochant à son cadet d'avoir gonflé le chiffre réel des ventes de son dernier album).

Booba vs vald

Invectives et insultes tendance jeu de sept familles, à répétition pendant des mois. Passe d'armes sur Twitter encore le matin du concert. Remake maritime du combat Booba-Kaaris à Orly, en vue ? En plus d'avoir renforcé le service de sécurité, l'organisation du festival a déployé un dispositif pour maintenir à distance les deux parties.

"On a fait le maximum pour qu'ils ne se croisent pas. Mais des regards ont été échangés pendant la journée", rapporte Pierre Pauly. On a donc, d'abord, assisté à un concert particulièrement gênant, celui d'un Vald, apparemment dans un état second, accompagné sur scène par une trentaine de garçons massifs et peu souriants. Une tentative d'intimidation non déguisée. Le retrouver ensuite assis dans un transat, toujours sous protection menaçante, pour bloquer l'accès à la scène. Les minutes défilent, les huées dans le public s'intensifient. Ça parlemente en coulisses pour ramener Vald à la raison.

"L'annulation le soir même aurait été une catastrophe par respect pour le public. Évacuer un site alors que les gens sont devant la scène, il n'y a rien de pire", confie le programmateur des Francos. Finalement, Booba arrive dans un van escorté par un impressionnant cortège de CRS et commence son concert avec une heure un quart de retard.

Là encore, difficile d'accorder du crédit artistique après une telle débandade. Booba, indéniablement charismatique, et machine à provocations verbales, gourmand de playback et d'Auto-tune, use pleinement de sa carte blanche offerte par le festival (sept invités). Ni l'un ni l'autre n'arrive à la cheville d'un SCH aussi concerné que fédérateur. Le lauréat de la Victoire de la musique de l'album le plus streamé s'est montré fastueux dans ses intentions et leur exécution.

Triomphe en rattrapage

Retour aux bonnes ondes le lendemain. Et aux artistes qui privilégient la chaleur des instruments à l'automatisme des platines. Sopico, en ouverture, armé de sa guitare et ancré dans une belle énergie rock entre rage et caresse. Il faut s'incliner, également, sans réserve, devant la générosité éclatante de Lujipeka, ancien membre du groupe Columbine. En tenue de plagiste, le Rennais de vingt-six ans laisse courir la belle tchatche des chansons extraites de son disque Montagnes russes, parfait exemple du processus d'intégration du rap dans la variété française populaire. Un vrai bol d'air frais, pour ne pas dire la divine surprise de ces cinq jours sur la grande scène.

Roméo Elvis, torse nu et bondissant, maintient la belle ferveur avant le bouquet final… Orelsan. Attendu comme le messie, et même au balcon par Édouard Philippe, le Johnny Hallyday du rap occupe la scène à la manière d'un terrain de jeu vaste et stimulant. Comme à son habitude, il régale à coups de morceaux foudroyants (L'odeur de l'essence), d'inlassables évidences (La pluie, Basique) et de rimes percutantes (Défaite de famille). Un triomphe pendant que Booba et Vald reprennent leurs assauts sur Twitter, décidément constants pour explorer la profondeur du bac à sable.