Georgio, sauvagerie à fleur de peau
Le tout juste trentenaire Georgio vient de sortir Années sauvages, un nouvel opus intense aux textes mélancoliques.
Georgio, c’est un artiste à part. Rappeur ? Oui, mais là où tant de ses confrères se complaisent dans un bombage de torse façon gorille au dos argenté, lui révèle ses fêlures, ausculte son mal-être, utilise la nostalgie de sa jeunesse comme moteur de son art vocal.
Dès Hôtel 5 étoiles, premier titre de ce nouvel album, le ton est donné : "Quoi que tu fasses, il y en a toujours qui ne seront pas contents". Entre thérapie improvisée et émotion brute, ce recueil de 15 morceaux est quasi intégralement composé par Lucci, beatmaker lillois qui a travaillé avec Josman et qu’on retrouvera sur le prochain album de 47Ter.
L’instrument de prédilection de Georgio ? Le piano bien sûr, qui s’accorde si bien avec la mélancolie qui habite ses textes, sincères jusqu’à l’autocritique, comme en témoigne cette ligne de Jamaïque : "On fait des disques d’or avec des notes de pianos qu’on sait même pas lire". Si le style de Georgio oscille entre rap technique et textes parlés, il ne s’interdit pas le chant, que ce soit le sien (Esprit libre) ou celui de la chanteuse Yoa sur Diamant V2.
Inutile d’attendre de l’égo trip ou de la vulgarité, le langage soutenu est de mise, comme dans ce texte écrit la nuit, le bouleversant Quand le soleil tombe dans lequel il évoque sa nouvelle condition de célibataire et se demande ce qu’il a donné aux filles rencontrées en tournée, "rien, si ce n’est une anecdote qu’elle partagera avec ses potes".
Deux featurings rap viennent s’ajouter au flow de Georgio : PLK sur Quand tout s’enflamme et Josman sur Froid, histoire de partager son spleen avec des figures montantes du rap des années 20. Chaque nouvelle écoute de ce disque intense révèle de nouvelles grilles de lecture, des observations de la vie d’un jeune artiste qui refuse le cynisme et ne cherche pas le raccourci vers le succès commercial. "On est tous un peu perdu, y’a plus grand monde de passionné", une phrase en forme de constat, celui d’un artiste qui cherche sa place dans un milieu gangréné par l’opportunisme et la facilité.
Album du désespoir ? Pas seulement, car si Georgio a fait l’impasse sur les sons festifs pour se concentrer sur une introspection aux frontières de la psychanalyse, il n’oublie pas de signer quelques chansons avec une touche d’espoir.
La version CD collector de ces Années sauvages est enchâssée dans un bloc de béton, tel un Tchernobyl rapologique. Une originalité de plus pour un album qui détonne dans la surproduction rap français de ces dernières années et qui, on l’espère, trouvera un large public. Il le mérite.
Georgio Années sauvages (Panenka Music) 2023
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