Golden Coast Festival, première édition : Dijon à fond
3 scènes, 80 artistes, 50.000 fans de rap français : le festival Golden Coast fait un carton pour sa première édition près de Dijon en Bourgogne. SCH, Yamé, SDM, la Fonky Family, Luidji et Booba au programme, entre autres.
Mont-de-Marsan 1976, Dijon 2024. Le rapport ? Deux mouvements musicaux cruciaux (le punk et le rap français), deux festivals les mettant en valeur pour la première fois. Le parallèle s’arrête là : les époques sont différentes et le rap français est depuis longtemps une force majeure. L’underground est devenu commercialement valide, internet et le streaming y ayant largement contribué après des années de mépris des médias classiques et des maisons de disques.
Si on pourrait reprocher à Golden Coast quelques erreurs de débutant (une topographie des lieux hasardeuse, des navettes trop peu fréquentes), force est de constater que ces deux jours de « rapfest » dans la campagne dijonnaise initiés par le label Believe, le groupe média Combat et la société de production Please Please ont été prometteurs. Bon, l’été indien attendra la seconde édition, et les campeurs ont souffert du temps très « Grand Est » (5° degrés la nuit, ça pique), mais voyons le verre à moitié plein : la pluie n’était pas au rendez-vous.
Le décor du site est émaillé de surprises avec un Snoop géant customisé en saucisse (« Snoop Hot Dog »), 2Pac en mode vidéo game (« 2Pacman »), un terrain de basket, une salle de gaming pleine de jeux d’arcade rétros, le tout sur un terrain qui porte encore les traces des tracteurs venus niveler le sol des 326 hectares du parc de la Combe à la Serpent à Corcelles-les-Monts. Trois scènes (Mothership, Zero Gravity, Cargo) proposent une affiche variée, très axée sur le rap d’aujourd’hui, avec la Fonky Family dans le rôle des « anciens » aux trente ans d’histoire.
Vendredi 13, sur la Zero Gravity, Luther déboule à 20h20. Comme Bushi venu masqué deux heures plus tôt, il représente l’anti-star système, jamais éclairé, avec cagoule, en mode camouflage, balançant ses rimes désespérées, une fêlure dans la voix, comme un débutant qui donnerait tout pour son premier passage sur scène.
Ses instrus brutalement électroniques sont la béquille rythmique d’un artiste jeune et ambitieux dont le phrasé urgent fait parfois penser à Freeze Corléone. Sur une musique bizarre pleine de contretemps avec des restes de guitare broyées au sampler, Luther expose avec brio son mal-être. « Je ne me suis jamais senti aussi seul au monde (…) Et toi, est-ce que tu vas bien ? »
Sur la scène Mothership, les nouveaux poids-lourds se succèdent : Djadja & Dinaz, Josman, Ninho et Zola sans Koba LaD, mis en examen suite à la tragédie routière dont il a été le principal acteur. Cigarette roulée et micro dans une main, gobelet boisson dans l’autre, Zola a livré une prestation basique qui a convaincu une foule vaillante après minuit. Hugo TSR, lui, a dû se contenter de la mini scène Cargo, dommage vu la qualité de ses textes.
Poids lourds, encore et toujours
La journée du samedi 14 était chargée : Yamé sur la Mothership a ambiancé le public avec un groupe de musiciens (une rareté dans cette programmation majoritairement en mode PBO (Play Back Orchestre, comme on dit quand ça chante sur bandes). Tenue rouge, lunettes noires et deux dents de devant en moins, il s’affirme comme un bon performer avec en point d’orgue le titre Bécane et son refrain scandé par les festivaliers.
18h40, SCH fait l’unanimité. En une heure, avec deux gardes du corps sur les côtés de la scène (l’artiste est sous protection policière depuis la fusillade du 26 août), il aligne les hits avec une masse de visuels égo trip sur l’écran LED, des dizaines de portraits de SCH, comme une version rap de l’affiche du film Dans la peau de John Malkovich. L’Auto-tune est à volume 11, Je la connais fait mouche et les filles n’ont aucune difficulté à reprendre la punchline « J’ai vu son boule, son prénom j’en ai rien à foutre ». Portables sortis pour Champs-Élysées, folie collective pour Bande Organisée (« S’il vous plait, si quelqu’un ne connait pas celle qui arrive, sortez-le pour moi ! »), et Dijon devient Marseille. Final nostalgie avec Fusil, superbe composition de l’album A7, neuf ans déjà, le début d’une belle carrière, une éternité en temps rap. Le S est toujours là, et on a eu le temps de le voir changer son fusil d’épaule.
Après Aubagne, Marseille à l’ancienne : la FF est de retour, unique groupe des années 90, unique groupe tout court dans ce milieu d’artistes solo, pour une heure où s’enchainent des classiques que la foule juvénile ne connait que par bribes. « On a du vice à revendre, du pognon à prendre » (Cherche pas à comprendre), une rime parmi d’autres pour ce collectif légendaire où les quatre rappeurs (Don Choa, Le Rat Luciano, Sat et Menzo) accompagnés de DJ Djel s’agitent sur les beats conçus par Pone, le génial producteur qui a officiellement quitté le collectif.
Final grandiose avec Art de rue, exit la FF et retour de la nouvelle génération symbolisée par SDM, dont la présence dans le jury de Nouvelle École a boosté la popularité née avec Ocho, premier album certifié platine, et le single à succès Bolide allemand, certifié diamant. Il reviendra sur scène pour Dolce Camara avec Booba le daron, star consacrée, ultime performer de ce festival et preuve qu’à bientôt 48 ans, on peut faire l’unanimité auprès d’un public dont la moyenne d’âge est la moitié du sien. Rendez-vous en 2025.
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