Massilia Sound System, l’infatigable commando fada
Patrimoine vivant de la chanson marseillaise moderne, Massilia Sound System, remueur de conscience, était jeudi 11 octobre à l’affiche de la 27e édition de la Fiesta des Suds, à Marseille. Rencontre avec Gari Grèu, l’un des trois MCs de cette institution du "oaï" occitan (mais pas seulement).
RFI Musique : La Fiesta des Suds est indissociable de votre carrière. Vous vous y être produit une quinzaine de fois et notamment en 2014 pour fêtez vos 30 ans. Comment la décriveriez-vous ?
Gari Grèu : Elle est née en 1992, un an après le 1er album de Massilia. Donc, on a des destins un peu chevillés effectivement. Il faut savoir que dans les années 80 et au début des années 90, c’était le marasme culturel à Marseille. Il ne se passait rien. La Fiesta a donné un nouvel élan à la ville et au rapport que les Marseillais entretenaient avec elle : oui, ici, on peut faire aussi bien qu’ailleurs. On n’est pas obligé d’aller aux Eurockéennes de Belfort pour kiffer dans un super festival. Et puis, ils (les organisateurs, ndlr) ont réussi le tour de force de faire quelque chose de différent, un événement qui a une identité très forte. On ne vient pas seulement voir des concerts à la Fiesta. C’est un peu comme une extension onirique de la ville avec ce même côté populaire, ce même brassage. C’est un peu comme au stade, il y a plein de gens qui ne viennent pas voir le match, ils viennent pour l’ambiance.
Depuis vos débuts vous chantez l’ouverture à l’autre. Dans une France qui se replie de plus en plus sur elle-même, quel est votre moteur pour ne pas sombrer dans la résignation à l’image de vos concitoyens que, sur votre dernier album (Massilia), vous interpellez en disant "Mais ils sont où les Marseillais ?"…
Il y a 20 ans, on n’aurait pas pu imaginer qu’on débattrait d’identité ou de frontières en France. Alors, oui, on serre les dents. Mais on est là pour organiser cette heure et demie où on va lâcher prise, fermer les yeux et un peu oublier le quotidien, évidemment en y mettant du sens et une espèce de citoyenneté humaniste. On s’est toujours dit qu’on faisait la bande-son du film. Donc, on se doit d’avoir un regard sur la société qui nous entoure. C’est un peu le luxe de notre vie : avoir ce petit recul, pouvoir s’emplir sans être dans la réaction immédiate, dans le post Facebook du matin 8h avant le café où tu dis n’importe quoi. La trajectoire des gens m’intéresse, je suis curieux, ça va avec l’empathie. Le moteur, il est là, je crois, et il est amplifié par l’état mental des sociétés occidentales. Je me sens dans une société beaucoup plus structurée quand je suis à Ouaga par exemple. Les minots, ils sont cinquante à jouer pieds nus au ballon dans la rue. Mais y a trente papas qui les surveillent. Ça te fait froid dans le dos quand tu compares à ici où si ton voisin meurt, il n’y a que l’odeur qui te le fait savoir.
Votre "raggaïoli" ne semble pas avoir fait de petits. Comment l’expliquez-vous ?
Il y a les Fabulous Troubadors mais c’est vrai que c’est notre génération. Derrière, ça a moins enfoncé le clou. Mais il y a énormément d’artistes qui essayent de faire de la musique dite moderne (électro hip hop) en langue d’oc. Après, ce n’est pas évident d’être diffusé. Massilia sort au bon moment. En 1992, on était seuls à faire ça, tout le monde kiffe la nouveauté. Aujourd’hui, ce n’est plus la même. C’est aux radios publiques d’envoyer le bois. J’ai une question pour votre direction de la musique : si un groupe comme La Femme chantait en occitan, est-ce que vous le mettriez en playlist ?
Vous clôturez à la Fiesta une tournée entamée il y a 4 ans pour fêter vos 30 ans avec l’album Massilia. Prévoyez-vous un nouvel opus ?
On compte bien faire un nouveau disque et repartir sur la route. Mais ce ne sera pas avant 2020, je pense. Massilia durera tant qu’un des 3 MCs n’aura pas cassé sa pipe. Ad vitam aeternam. Inch'Allah !
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