Maurice Kirya, le libre rêveur

Le musicien ougandais Maurice Kirya. © RFI/Gaël Grilhot

Maurice Kirya sort ces jours-ci son quatrième album, Free Dreams, d'inspiration très soul. L'occasion de rencontrer l'Ougandais, amoureux des voyages, dont le style a un peu évolué depuis son Prix Découvertes RFI de 2010.

"Ceci est une prophétie/Le temps nous dira ce que nous verrons/Peut-être que j'ai raison peut-être que je me trompe/Mais les rêves sont libres, donc je suis libre de rêver (…)" (Dreams are Free)

T-shirt blanc immaculé, chaînes en argent, lunettes cerclées, Maurice Kirya est concentré sur les dernières photos qu'il a reçues, assis dans la salle du Java House de Bugolobi, un café qu'affectionnent les classes moyennes ougandaises.

Cela faisait quelques temps que nous n'avions pas eu de nouvelles de ce jeune chanteur ougandais, propulsé sur la scène internationale il y a sept ans grâce au prix Découvertes RFI. "Remporter cette récompense, ça a été très cool, et c'est venu à un très bon moment. Parce que j'avais travaillé très dur, et j'avais besoin de m'étendre à d'autres pays. Et quand j'ai vu le potentiel de RFI, j'ai compris qu'une opportunité m'était offerte", explique-t-il. Après une tournée réussie, il a réalisé un album, rencontrant un succès immédiat. "En France, dans les Caraïbes, en Afrique de l'Ouest, les gens l'ont acheté parce qu'ils m'avaient rencontré avant."

Maurice Kirya est l'un des rares artistes ougandais à avoir eu l'ambition très tôt de vouloir voyager : "Les musiciens qui travaillent ici sont contents de ce qu'ils ont. Ils ne voient pas le besoin d'étendre leur public à l'Europe ou aux États-Unis. En ce qui me concerne, ce n'est pas assez d'être connu en Ouganda, je veux toucher plus de gens." Sept ans plus tard, après avoir tourné dans près d'une quarantaine de pays et donné des concerts au Cap, à Zagreb, ou encore à Chicago, Maurice a toujours soif de découvertes et de rencontres.

Connecter les gens entre eux

"Ce que les gens vont aimer à Paris, ne sera pas la même chose qu'en Allemagne, insiste-t-il. À chaque fois que vous allez dans un endroit, vous apprenez des choses différentes, sur la manière dont les gens apprécient votre musique. C'est cette interaction avec les différents publics, que je recherche." Free dreams est d'ailleurs, selon Maurice Kirya "un album pour connecter les gens entre eux, dédicacé aux personnes qui sont en accord avec eux-mêmes et n'ont pas peur de l'exprimer. Et moi, je le dis parce que suis un libre rêveur."

Tout naturellement, ces rencontres ont eu une influence sur le style de Maurice Kirya. Au mélange soul, r'n'b et hip hop de ses débuts, il a intégré la musique électro. "Avec les avancées technologiques, j'ai éprouvé le besoin et l'envie d'expérimenter et d'utiliser plus d'effets. Si vous écoutez le son de Heart Back, sur le nouvel album, il y a une nouvelle approche avec l'électronique, mélangée à un band live." La plupart des titres de l'album demeurent néanmoins d'inspiration très soul, avec une seule exception, Free Dreams, qui apporte en effet une touche ragga plus énervée à l'ensemble.

Autre évolution, dans le nouvel album, une seule chanson, Headmaster, est interprétée en langue locale, le luganda. Tous les autres titres sont en anglais : "Il y a eu trois albums où j'ai mélangé le luganda et l'anglais, et j'en suis très content. Maintenant, ce nouvel album a une vocation plus internationale." Pas question pour autant d'oublier sa langue natale. "J'ai beaucoup étudié la littérature ougandaise. Donc parfois, je vais vouloir donner des chansons comme celle qu'il y a dans l'album. En outre, il y en a qui sonneront mieux en luganda. J'agis beaucoup au feeling, peut-être que le prochain album ne sera qu'en luganda, je ne sais pas."

De l'importance de l'éducation

Littérature, maîtrise de la langue : Maurice Kirya insiste beaucoup sur la chance qu'il a eue d'avoir accès à l'éducation. Lorsque sa famille a connu un revers de fortune, alors qu’il était enfant, il a connu le ghetto. Une expérience qui a marqué toute sa vie. "Nous habitions dans une maison où il n'y avait pas de fenêtre, l'eau rentrait les jours de pluie. Mais il y a une chose pour laquelle je suis très reconnaissant, c'est qu'avant que mon père ait tout perdu, il nous a donné une très bonne éducation. C'est cela qui nous a déterminé à vouloir sortir du ghetto."

Maurice Kirya n'aime pas pour autant évoquer sa vie personnelle dans ses morceaux, même si on peut le reconnaître dans le "petit garçon" de Dreams Are Free, "qui venait du ghetto et qui voulait être président quand il serait grand". Une allusion à peine cachée à sa propre enfance, mais peut-être aussi à un autre gosse des ghettos, Bobi Wine, chanteur de ragga très populaire devenu il y a peu député.

Maurice Kirya, lui, ne compte pas suivre cette voie politique. Mais il veut continuer à s'engager auprès des jeunes, comme il l'a toujours fait, en parrainant différents programmes de soutien. Sa façon à lui de redistribuer une partie de ce qu'il a reçu et peut-être d'aider de nouveaux rêveurs à gagner leur liberté.

Maurice Kirya Free Dreams 2017

Page Facebook de Maurice Kirya