Rodolphe Burger, artiste de haut niveau
L’ancien chanteur de Kat Onoma est devenu tendance. Lors du concert parisien célébrant la sortie de No sport, même les VIP ont eu du mal à entrer ! Avec ce troisième album solo, Rodolphe Burger signe un nouvel ovni sonore où planent Serge Gainsbourg, Lou Reed et toute la culture afro-américaine du blues. On découvre aussi un artiste très drôle aux textes joliment troussés. Laissez-vous tenter par ce groove hypnotique largement accessible… avec un peu de bonne volonté !
RFI Musique : Lors de votre concert pour le lancement de l’album, vous utilisiez au moins quatre guitares, vous êtes accro ?
Rodolphe Burger : J’aime les guitares, c’est sûr et je les aime toutes en plus ! Plus ça va, moins je suis fixé sur une en particulier. Sur l’album, j’ai souvent utilisé délibérément des guitares qui n’étaient pas à moi, pour essayer d’autres choses. Sur Marie, je me sers d’une guitare un peu spéciale qui est une guitare-cithare. Elle a été fabriquée à partir d’une basse par quelqu’un qui s’appelle Tim Laser. J’aime bien les instruments bricolés, rudimentaires. En fait, j’adore tous les instruments à cordes, pas seulement les guitares. Ils me fascinent. J’étais en Ouzbékistan, j’en ai ramené des merveilleux. Ce qui est beau avec ces instruments, c’est qu’on n’a pas besoin de savoir en jouer pour en tirer quelque chose. On peut toujours se débrouiller.
La guitare n’est pourtant pas très en avant dans No Sport ?
Il y a beaucoup de guitare acoustique mais c’est vrai qu’il n’y a pas ce son un peu ample que j’ai l’habitude de jouer en live ou qui était assez central dans Kat Onoma. C’était une des options de l’album avec Liam Farrell [Alias Doctor L, co-réalisateur de l’album]. On se disait qu’on allait construire un peu autrement pour laisser plus de place à la voix, avec des arrangements plus détaillés, des sons de guitares plus fins. Il n’y a quasiment pas de machines, tout est joué, on est dans un esprit de son très roots. On a utilisé beaucoup de micros à ruban pour les prises de voix, dans une recherche de présence maximum avec aussi peu d’effets que possible. Après sur scène, on réinjecte de la guitare !
A une époque où le rock à guitare est à la mode, c’est un contre-pied volontaire ?
Ce n’est pas calculé. Qu’il y ait un renouveau du rock en ce moment, je ne peux que m’en réjouir. Si Kat Onoma sortait aujourd’hui, ce serait plus facile. Dans les années 80 quand on a commencé, on était complètement isolé. On a essayé de tracer un chemin qui était assez singulier en France. On ne faisait ni du rock alternatif, ni du rock français et encore moins de la variété. On nous reprochait énormément l’usage de l’anglais, on n’était pas "musicaly correct". Nous vivons une époque musicale où on parle beaucoup des aspects de la crise du disque, c’est évident et en même temps on est dans un mouvement créatif. Je trouve que le niveau musical en France a monté. Il y a une manière d’écouter des choses très différentes, ce qui n’était pas le cas à l’époque.
Tout au long de l’album, quelque soit la forme ou les effets choisis, j’ai toujours l’impression d’entendre du blues…
C’est sûr. C’est une banalité de dire que toute la musique qu’on aime, elle vient de là, elle vient du blues [Rires]. Il y a des échos d’un blues malien, et africain, que j’adore. Mais bon, Led Zeppelin, c’est du blues, Hendrix aussi. Après, je suis rarement dans du blues canonique. Marie, ce n’est pas tout à fait une grille de blues. A un moment, j’aime bien amener un élément non orthodoxe, trouver des tangentes. C’est aussi mon rapport à la guitare. Dans le blues, on discute avec la guitare. On a besoin de l’instrument pour dire quelque chose qui ne se dit pas, qui se transmet autrement que par la parole. Pour moi, c’était assez fort, symboliquement, que James Blood Ulmer vienne mettre sa voix sur un titre comme Marie. Il a fait des disques impossibles à catégoriser, les critiques appelaient ça du punk-jazz. Il explosait les formes mais en même temps, tout le temps, on entend le blues.
Je ne pensais pas rire un jour en écoutant un de vos albums, pourtant sur No Sport il y a des textes très comiques, comme celui de J’erre par exemple !
Ça, c’est mon image de musicien littéraire. Ça n’a pas toujours été souligné mais dans Kat Onoma, il a y eu des textes drôles. Je récuse cette image de personnage grave et cérébral. Ce n’est pas comme ça que je me sens et que je ressens ce que je fais. J’essaie de faire quelque chose qui n’aille pas que dans un seul sens. Le titre Blue Skies, c’est un anti blues. Les paroles en anglais c’est : "Il fait beau, on se lève le matin, tout va bien !" C’est aussi un feeling qu’on peut avoir. Avec No Sport, j’ai essayé de décrire comme un voyage intérieur dans un crâne, avec des états d’esprits qui sont variables.
Dans le titre Ensemble, vous êtes très sévère contre Nicolas Sarkozy. On a l’impression que c’est un peu devenu une habitude pour les artistes ce genre de chanson ?
Oui, c’est vrai qu’il y en a plein. J’ai hésité avant de la mettre sur l’album. Je craignais cet effet. Je n’aime pas trop la chanson engagée. L’idée n’est pas de donner des leçons ou de se positionner. En même temps, c’est sûr que j’ai des opinions. Mais là, j’exprime surtout un sentiment de dégoût. Cette chanson va au delà du contexte qui l’a inspiré. Ces images où on se tripote, où on est tous copains, c’est effrayant. Sous ses apparences ultra familières, il y a des deals, des haines, c’est la négation de la relation politique qui suppose de la distance.
Rodolphe Burger No Sport (Capitol-EMI) 2008
