Les Wampas, la vie en rock

Les Wampas. © Boul Rostan

Il fut une époque où la jeunesse gueulait, bougeait, pogotait. Cela fait déjà trente ans. En surface, le temps semble avoir tout effacé. Tout ? Non ! Un petit village punk rock résiste, habité par une fascinante tribu, Les Wampas, fils des Ramones sauvages. À leur tête, Didier Wampas ! À leur actif, douze disques ! Le dernier vient de sortir.

Les Bérurier Noir ? Disparus dans la gloire un 11 novembre 1989, après trois Olympia punk. Les Garçons Bouchers ? Disparus en 1997. La Mano Negra ? Disparue en 1994, même si Manu Chao survit plutôt bien dans la jungle des villes. Les Satellites ? Disparus en 1994, même si Polo s’est reconstruit dans la chanson. Et qui a survécu, immarcescible, à l’hécatombe de l’alternatif français, glorieux rejeton de nos années 1980 ? Les Wampas ! C’est sans doute la preuve que Dieu existe – et qu’il porte des Doc Martens…

La légende est là : les Wampas naissent en 1983 en banlieue parisienne, vers Villeneuve-la-Garenne, autour de Didier Chappedelaine, qui restera, durant toute sa vie artistique, électricien à la RATP… Trente-quatre ans et douze albums plus tard, les Wampas sont toujours vivants. "Quand on arrive à vivre son rêve de môme, assène Didier, on n’a pas de raison d’arrêter. Bien sûr, il faut accepter de changer régulièrement de maison de disque, ne pas chercher le meilleur contrat. Mais travailler à côté, donc être indépendant d’un statut d’intermittent, m’a libéré de toute contrainte artistique ! Même une major n’avait pas de moyen de pression sur moi ! C’est jouissif… " Alors ? La RATP mécène des Wampas ? "Eh, rugit Didier, la direction de la RATP ne m’a pas fait cadeau de cinq minutes ! Je posais des congés sans solde pour les tournées. Ils ont essayé une fois de me faire des emmerdes : j’ai écrit au ministère de la Culture… (Rire.)"

Un champion de joute

L’album d’aujourd’hui, Evangelisti, est un hommage inattendu à un champion de joute. Imaginez : sur le plan d’eau de Sète, deux barques, propulsées par dix rameurs, se font face. Une bleue et une rouge. Perchés sur leur plate-forme, deux chevaliers des temps modernes tiennent une longue lance et un bouclier de bois. Le champion se nomme Aurélien Evangelisti.

Les deux barques avancent à toute vitesse l’une vers l’autre. Les deux jouteurs s’arc-boutent. Evangelisti fait tomber son adversaire à la mer… mais est disqualifié. Stupeur et tremblements du public. En son sein, Didier Wampas, Sétois depuis juillet 2016. Il ne lui en faut pas plus pour dédier son disque au champion foudroyé : "Ce type est un monstre sacré. Quand on l’a dit éliminé, il est resté debout, effaré, sur le bateau. Tout le monde s’est tu. Une tragédie grecque. Le héros trahi. J’ai donné son nom à mon disque pour le venger."

L’atmosphère de ce douzième album est toujours très électrique : quel bien ça fait, les murs de guitares sur une batterie binaire exaltée ! Sourire extasié… Le plus immédiatement jouissif des quatorze titres d’Evangelisti est Electrodoowop, échevelé autour de ses guitares, de ses chœurs et de son refrain mémorable : "La vieillesse est comme une Harley/ Qui perd ses poils sur l’autoroute"… Parole de Wampas : "C’est une chanson que j’ai écrite il y a longtemps pour la jouer un jour en duo avec Loran, le guitariste des Bérurier Noir. Mon guitariste préféré, avec Johnny Ramone…"

L’on ne peut oublier non plus, côté jouissance, l’épatant rockab’ The Return of the Little Daewoo… Le ton est donné : comme d’habitude, plus rien ne devra nous étonner chez les Wampas. Même pas Baby, suce ma roue, énergique métaphore filée sur l’amour et le tour de France, qui évoque les pires – donc les meilleurs – moments des Rolling Bidochons…

Retours dans le passé

Dans Evangelisti, le titre au plus fort potentiel, par sa mélodie et l’univers qu’il distille, reste Patricia : un rock d’amour futuriste, "kraftwerkien", dédié au souvenir d’une Allemagne de l’Est au centre de laquelle gisait encore Berlin… "Patricia, rigole Didier, c’est le prénom de la caissière du Franprix de Pantin. Un fort caractère ! Et l’Allemagne de l’Est, c’est un souvenir de la Fête de l’Huma, quand j’étais petit, avec mes parents : je rentrais avec plein de brochures sur la RDA, qui la présentaient comme un paradis…"

Didier n’évite pourtant pas les affres de la création. Il l’avoue avec Même les plus grands ont des moments de faiblesse : sa voix, toujours convenablement éraillée, se demande alors s’il ne faudrait pas solliciter l’aide de Gaëtan Roussel, déjà éraflé en 2003 dans l’inoubliable Manu Chao… L’air de rien, Didier Wampas se retourne ainsi sur trente ans de vie d’artiste. Caché derrière sa voix de scène et un rythme binaire marqué, il proclame, dans Sans aucun remords : "J’en ai chanté des conneries/ Et j’en chanterai encore longtemps/ Toujours plus loin, toujours plus fort/ Sans aucun remords !" Plus loin, dans Comme le dit Bob : "Si le rock’n’roll payait/ Ce ne serait plus du rock’n’roll"… Et le rire auto dérisoire repart, toujours encadré de guitares en folie. Dissimulé par elles.

Les Wampas Evangelisti (Verycords/ Warner) 2017

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