Le rock à la sauce congo de Jupiter & Okwess

Le chanteur congolais Jupiter. © Florent de la Tullaye

Au pays de la rumba africaine, du soukouss et autre kwassa kwassa, Jupiter Kobondji et son groupe Okwess ont longtemps fait figure d'extraterrestres avec leur musique à l'énergie rock. Reconnu enfin sur la scène internationale depuis quelques années, le chanteur congolais surnommé "le général rebelle" met à profit toute son expérience sur son nouvel album Kin Sonic, épaulé par le Britannique Damon Albarn.

Entre deux maisons pas vraiment finies, à même le sol poussiéreux de Kinshasa où a été installée une batterie de fortune autour de laquelle les musiciens ont pris place, équipés de divers maracas et hochets, Yende Balamba Bongongo se lance dans l'interprétation de Pondjo Pondjo, avec une voix qui vous remue immédiatement les tripes. La scène ne dure qu’une trentaine de secondes dans le documentaire La Danse de Jupiter paru en 2006, mais l’intensité de ce que dégage au micro celui qui est habituellement bassiste suffit à ancrer la mélodie dans les esprits.

Onze ans plus tard, revoilà cette même mélodie, habillée autrement, mais tout aussi efficace et prenante, animée par une forme de tension que font régner les violons de l'Australien Warren Ellis, membre du groupe de rock de son compatriote Nick Cave. Kin Sonic, le nouvel album de Jupiter, joue sur ce double positionnement, cette rencontre entre hier et aujourd'hui.

Le double-mètre congolais continue à piocher au besoin dans son répertoire du passé, pour le valoriser, comme il avait commencé à le faire sur Hotel Univers en 2013 – d'autres, tel Bob Marley, ont largement eu recours à cette pratique de reconditionnement musical ! Musonsu aussi figurait, dans une autre version, sur le CD enregistré in situ par le Français Yarol Poupaud en parallèle du documentaire. C'était également le cas de Ngandjo, présent sur le mini-album Troposphère 13 sorti en septembre dernier, mais qui a disparu de la liste des titres définitive de Kin Sonic.

Dès le premier morceau intitulé (logiquement) Hello, les claviers de Damon Albarn trouvent la place qui leur convient. L'homme qui a donné un sacré coup de main à Jupiter pour le sortir de l'ombre sait ici se mettre au service d'une musique dont les motifs répétitifs à la guitare tressent une sorte de transe, tandis que le leader chanteur, d'une voix grave, laisse entendre ses paroles entre provoc et sagesse. "Le roi organisa une grande fête pour son mariage. Et il invita presque toutes les tribus. Il y a à boire, à manger. De l'okwess ('de la bouffe', ndlr), quoi ! Mais moi, je n'en ai rien à foutre de son argent", narre-t-il dans Benanga, avant de conclure d'un éclat de rire tonitruant.

À l'actrice française Sandrine Bonnaire, il fait lire pour Le temps passé un extrait d'un ouvrage de Zamenga Batukezanga, prolifique écrivain congolais du XXème siècle, sur le thème de la transmission du savoir aux plus jeunes : "Mes ancêtres, que voulez-vous : l'homme étant ainsi créé, vous savez vous-mêmes, quand on parcourt un bout de chemin, les faux pas ne manquent pas." Le propos reflète sûrement la philosophie de Jupiter. Et confirme sa capacité à éviter tout risque de formatage artistique. Une excellente nouvelle.

Jupiter & Okwess Kin Sonic (Zamora Label/L'Autre distribution) 2017

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