Rock en Seine 2017, une rentrée de transition

Roméo Elvis, Rock en Seine, 2017. © RFI / Bastien Brun

Du 25 au 27 août, la 15e édition de Rock en Seine se tenait aux portes de Paris. Le festival, qui a réuni 110 000 spectateurs, entamait cette année une "transition". S’il marque encore la fin de l’été, le rendez-vous parisien n’est plus seul festival sur son créneau et le vent du changement souffle déjà en coulisses. Une occasion tout de même de découvrir le rappeur belge Roméo Elvis. Reportage. 

Il est probable que dans vingt ans, on se souvienne encore du concert de P.J. Harvey lors de cette quinzième édition de Rock en Seine. Arrivée à la nuit tombée, c’est peu dire que la chanteuse anglaise a emporté avec elle les milliers d’âmes qui avaient convergé vers la grande scène samedi soir. Tant pis pour ceux qui étaient ailleurs, dame Harvey a livré un concert magistral. Avec un son parfait, le groupe de neuf musiciens et beaucoup de saxophones, orchestré par son complice John Parish a envoyé le public sur la lune.

La chair a vibré et pour un temps, cette grande prêtresse du rock a éclipsé tout le reste de sa voix animale. Quand elle lâche complètement les chevaux, Polly Jean fait oublier l’avant, l’après. Apparaissant dans l’ombre, elle vous laisse le souffle court. Tout le week-end, il a pourtant fallu respirer dans la verdure du domaine de Saint-Cloud, qui a accueilli toute une bonne partie de ce que la planète rock fait de bien. On regrettera toujours que les jeunes artistes français (Lysistrata, Barbagallo, Témé Tan) jouent trop tôt dans l’après-midi.

Mais c’est Rock en Seine, qui panache des groupes cultes de ces trente dernières années (Cypress Hill, Jésus & Mary Chain...) avec les sensations du moment. Il était donc logique de retrouver Jain pour le dernier concert de sa tournée française avant un nouveau passage aux États-Unis à l’automne.  La jeune femme à la robe à col Claudine avait commencé sa tournée seule, mais en groupe sa musique "feel good" a sans aucun doute gagné en épaisseur. Véritable carton en ce moment – 300 000 exemplaires vendus, triple Disque de platine pour son album Zanaka-, son concert a fait danser les familles de 3 à beaucoup plus de 33 ans.

© Edmond Sadaka
PJ Harvey, Rock en Seine, 2017 ©E.Sadaka

L’un des moments d’émotion de ce festival a été le concert du groupe Her, après le décès du chanteur Simon Carpentier cet été des suites d’un cancer. Durant plus d’une heure, c’est son complice Victor Solf qui a porté la soul électronique du groupe. À chaque intervention, la gorge était nouée, mais l’autre chanteur de Her aura rendu un hommage à son ami, dont la silhouette a longuement occupé le fond de scène. Duo musical, Victor Solf et Simon Carpentier étaient à la ville les meilleurs amis du monde, des frères. Leur Five Minutes aura duré bien plus que cinq minutes, sous ciel lourd de fin août.

Mais c’est en coulisses que  beaucoup de choses se sont jouées cette année. Est-ce l’arrivée de la version française du festival Lollapalooza, lancée par la multinationale Live Nation au mois de juillet dernier ? Le rachat par le banquier Matthieu Pigasse du festival l’an passé ? Les discussions du nouveau propriétaire avec le géant américain du spectacle AEG, pour que ces derniers entrent dans le capital du festival ? Cette 15e édition de Rock en Seine, qui a accueilli 110 000 spectateurs selon ses organisateurs marquait clairement la fin d’une époque. Avec les habitués de Franz Ferdinand,  les Canadiens de Timber Timbre, The Kills, ou le Français Rone, le pari a été tenu. Mais il est bien possible qu’à partir de l’an prochain, le visage de ce raout de rentrée change en profondeur.

Roméo Elvis X Le Motel, rap à la coule

Il suffit d’une onomatopée en ouverture de concert pour que Roméo Elvis marque son territoire. Ce garçon à la voix incroyablement basse incarne avec quelques autres comme Damso, Caballero & JeanJass, la nouvelle vague du rap belge. Une relève, vraiment ? "En Belgique, on s’est toujours dit : ‘Y’a rien au niveau du rap.’ Alors, qu’il y en a toujours eu un peu. Avec Internet et les réseaux sociaux, le rap belge a pris une position en trois ans", réplique l’intéressé.

Le chanteur au flow tranquille revendique des textes "hédonistes" imprégnés par les bandes de potes et une musique électronique à la coule. Le collectif formé avec le beatmaker Le Motel évoque les Casseurs Flowters d’Orelsan et Gringe, et leur culture geek. Est-ce parce qu’ils viennent de l’autre côté de la frontière ? Qu’ils se sentent dans une "position d’outsider" ? Il y a chez ces gars un côté absurde lorsqu’ils disent J’fais l’amour avec des crocos ou qu’ils avertissent Bruxelles arrive

"Concrètement, on sait que la vie n’est pas belle. Mais je trouve que ça a vite ses limites d’être juste réaliste, assume cet enfant de la balle, fils de la comédienne et comique Laurence Bibot et du chanteur Marka, bien connus en leur royaume. Ce que j’apprécie dans le rap, c’est que ça s’est diversifié, au point qu’il y a aujourd’hui de l’entertainment, pas de prise de tête. Moi, j’essaie de trouver le juste milieu. Ne pas dire que j’en ai rien à foutre, parce qu’il y a des textes méga engagés comme Nappeux, où je parle des attentats à Bruxelles sans le dire, mais à côté de ça, raconter des conneries insensées dans la moitié de mes textes."

Détendu, le Bruxellois a vendu 10 000 disques en France de Morale 2, son deuxième album. Il rencontre le succès chez lui – plus même en Flandre qu’en Wallonie-, et devrait avoir devant lui beaucoup de week-end de trois concerts, comme ce fut le cas avant Rock en Seine.  

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