Mademoiselle K, en paix avec sa colère
Avec son cinquième album, Sous les brûlures, l’incandescence intacte, né après une rupture amoureuse, Mademoiselle K revient à sa langue natale et révèle de nouvelles facettes : un penchant pour l’électro, une ballade acoustique et des textes plus apaisés marqués par sa pratique nouvelle de la méditation. Rencontre.
Le lieu de rendez-vous est pour le moins bizarre, insolite… À l’arrivée dans un café cosy aux abords du canal de l’Ourcq à Paris en ce début d’été ensoleillé, Mademoiselle K nous emmène quelques mètres plus loin, à l’abri des regards, sous un pont aux murs peints de graffitis. "C’est beaucoup plus sympa ici", s’amuse-t-elle. Deux ans après Hungry Dirty Baby, l’album de la rupture - avec la langue française et le music business - c’est à une autre rupture, amoureuse cette fois, que la chanteuse doit son inspiration pour Sous les brûlures, l’incandescence intacte.
"Aucun complexe, rien à prouver"
"J’étais complètement obsédée par cette rupture qui m’a tordu le ventre, explique-t-elle. Il fallait que j’aille au bout de cela, que je mette cette histoire en musique." Un premier titre, On s’est laissé, est dévoilé en mai dernier et donne le ton de l’album. La langue française refait son apparition, l’énergie un peu punk des débuts laisse place à un constat plus désabusé, et les guitares disparaissent au profit de nappes électro bizarres.
Des changements fluides, sensibles, dénués de calcul. "Je n’ai aucun complexe, rien à prouver, clame-t-elle. Je fais comme ça vient." Sur le passage entre les deux langues, même constat : "Je me fous que ce soit en anglais ou en français, dit-elle. J’étais simplement heureuse de réécrire en français. Il y a quelque chose de différent dans mon écriture, qui n’aurait jamais été possible si je n’avais pas eu cette parenthèse en anglais."
Musicalement, l’évolution est notable : si l’énergie rock est toujours présente, la palette d’expression s’est élargie à des horizons parfois insoupçonnés. L’électro, bien sûr, sur On s’est laissé ou Hypnotisés vers la lumière, mais aussi une ballade acoustique en forme de mise à nu intimiste, J’ai pleuré. Un registre encore inédit pour la rockeuse. "C’était le moment le plus délicat dans la conception de l’album. Je me suis dit qu’il ne fallait pas que j’aille trop loin dans cette direction ! De manière générale, je voulais vraiment un album varié, qu’on ne s’en prenne pas plein la gueule tout au long du disque. Un peu comme sur les disques de Gorillaz, dont j’adore la diversité", explique-t-elle.
Pour l’essentiel, les nouvelles directions entrevues sur cet opus sont le fruit d’une rencontre : celle avec Jérémy Poirier-Quinot, musicien électro de formation classique et génial touche-à-tout. "On s’est rencontré dans la précipitation, sourit-elle. Téléphone (ndlr : appelé désormais les Insus) se reformait et cherchait des premières parties. J’ai eu deux semaines pour me préparer et je n’avais que trois nouveaux morceaux, dont On s’est laissé et J’ai pleuré. Et mon guitariste n’était pas disponible. J’ai rencontré Jérémy, on a immédiatement répété. Puis nous sommes montés sur scène à deux, moi à la guitare, lui aux machines. C’est la première fois que je testais cette configuration qui me faisait envie depuis longtemps. Dans la foulée, nous avons travaillé ensemble à des maquettes, avec des machines, sans calcul, et la direction pour le nouvel album était là."
Rupture et méditation
Plus de dix ans après l’inaugural et revanchard Ça me vexe, Mademoiselle K l’affirme : elle a changé, la révolte et les cris ont laissé place à une forme de maîtrise de soi, de colère contenue, presque de flegme. Une nouvelle voie trouvée dans la pratique de la méditation : "avec mon ex-compagne, nous étions allées voir ensemble une sœur bouddhiste. Cette rencontre m’a marquée. J’ai compris que la méditation, ça n’est pas être zen en toutes circonstances, mais simplement accepter sa colère, sa jalousie, toutes ces choses parfois dégueulasses qui forment notre existence. On apprend que la pensée est comme un ruisseau, c’est un flux qu’on ne maîtrise pas. 'Quand je m’écroulerai sereinement/D’avoir tout maîtrisé mentalement', sur Ça ne sera pas moi, parle exactement de cela."
À l’image de Pour aller mieux, morceau ovni composé de témoignages en forme de petites recettes pour améliorer un quotidien morose, Sous les brûlures est l’album de l’acceptation de soi. Et peut-être d’une forme de renaissance pour Mademoiselle K.
Mademoiselle K Sous les brûlures, l’incandescence intacte (Kravache) 2017
Site officiel de Mademoiselle K
Page Facebook de Mademoiselle K