Jacob Salem, de la cour au rock
Il aura fallu presque cinq ans de travail et une rencontre décisive pour que Jacob Salem enregistre un premier album ! Un temps de maturation nécessaire pour l’artiste burkinabè qui signe aujourd’hui Nanluli, un disque résolument rock mais respectueux de la tradition mossi, l’ethnie majoritaire du pays.
Ils sont deux. Le premier se nomme Jacob Salem et le second André Courbat. Une rencontre improbable entre deux artistes, l’un burkinabè et l’autre anglo-suisse. Cette entrevue à Ouagadougou, il y a cinq ans, a donné naissance à un premier disque Nanluli disponible aujourd’hui. Un album clairement rock tout en étant ancré dans la culture mossi, l’ethnie dominante au «pays des hommes intègres». Baptisé «Somkieta» que l’on pourrait traduire par «porteur de chance», le routard André arrive dans la capitale burkinabè pour entreprendre un périple à moto à travers le pays. Guitariste, longtemps accompagnateur de Mick Jagger, il veut naturellement rencontrer des musiciens locaux et obtient le contact d’un certain Jacob. Moins d’une heure plus tard, rocker mossi et rocker suisse s’embarquent dans une jam improvisée. L’entente musicale est instantanée. André est subjugué par la qualité des mélodies et la voix du burkinabè. Jacob est porté par le jeu de son nouvel ami. «J’ai essayé de respecter les mélodies de Jacob. Ses dernières sont construites sur des gammes pentatoniques qu’on utilise dans le blues. Donc le mariage était évident», précise André. Pour sa part, Jacob s’était déjà tourné vers une occidentalisation plus anglo-saxonne de sa musique, ce qui a facilité cette connexion artistique nord/sud. Avant de se tourner vers le rock'n'roll, le musicien ouagalais a grandi dans la cour du Mogho Naaba, le roi du peuple mossi (*). Appartenant à une famille de serviteurs du souverain, il est choisi à l’âge de 8 ans pour assister le dignitaire à l’occasion des cérémonies royales. Le petit Jacob est subjugué par la musique qui ponctue chaque événement du palais. Il devient l’ami d’un joueur de kundé, qui lui apprend les fondements de ce luth à trois cordes. Parfois, en l’absence du Mogho Naaba, Jacob se faufile dans la discothèque royale pour en écouter les joyaux jusqu’à l’ivresse. Il se familiarise avec la magie de James Brown, de Manu Dibango comme avec celle des Beatles ou de Tina Turner.
A 18 ans, Jacob tombe malade et se fait soigner à l’extérieur du palais. Il rencontre un pasteur qui l’initie à la guitare acoustique. Dès qu’il peut, le jeune homme s’entraîne, en cachette, car il est inconcevable qu’un membre de la cour pratique un instrument non traditionnel. Devant sa détermination le souverain l‘incite à tenter sa chance hors du palais pour vivre sa passion. Avec cette solide culture patrimoniale, l’instrumentiste n’a pas eu de difficulté à se reconvertir définitivement en rocker. Dans les années 80, Jacob remporte un radio crochet et reçoit une récompense des mains du président Thomas Sankara. Mais il doit attendre 2013 pour que sa carrière commence à décoller après sa rencontre avec son alter ego «Somkieta» qui a permis à son disque de voir le jour. Enregistré au Burkina Faso et en Suisse, l’album est masterisé au mythique studio Abbey Road de Londres. Avec leur groupe composé de quinquas aux allures de biker (version romande) avec leurs cheveux longs et tatouages saillants, le duo helvético-burkinabè offre un rock électrique redoutable. Les riffs de guitare «distorsent», la batterie pulse et la basse gronde. Parmi les onze morceaux, le titre «Songene» sort du lot et fait déjà figure de tube avec son beat électro imparable. Nommé «Nanluli», leur premier LP tire son nom d’un chant traditionnel qu’une femme de 120 ans chantonnait à Jacob lorsqu’il vivait à la cour. Les autres chansons en langue moré sont signées Jacob Salem. Poétiques, historiques et socialement engagées, elles tirent leurs puissances de cette saveur rare et riche, propre à la musique mossi. Avec ce premier essai discographique, il ne reste plus qu’à le transformer pour faire entendre le rock mossi sur d’autres terrains que le sol du Faso. Mais l’ex-enfant de la cour est confiant : «A l’occasion de l’anniversaire du souverain, nous avons joué pour lui. Il était très satisfait et nous a dit que notre culture est là pour perpétuer la tradition mais aussi pour être métissée afin qu’elle s’inscrive dans son temps et rayonne à l’international.»
(*) Depuis le XIIème siècle, le peuple Mossi est guidé par le Mogho Naaba. Ce souverain désigné par les dignitaires parmi les descendants de son prédécesseur, est extrêmement respecté par la population qui le considère comme l’égal du soleil. De nos jours, ce garant de la paix conserve un rôle principalement symbolique mais aucun personnage politique ne peut exercer le pouvoir sans sa bénédiction.
Site de l'artiste / Page Facebook / Chaîne Youtube
"Nanluli" 2018 (Groove Artitsts Management/ Montlery Music/ RFI Talent)
Disponible sur Itunes / sur Amazon
Contact Presse : frederique.miguel@gmail.com
Contact Booking : dionysiac.production@yahoo.fr