Tamino, un premier disque magistral

Le jeune Tamino sort un premier album bouleversant : "Amir". © Andrew Smith

Le jeune chanteur anversois de 22 ans, Tamino, vient de sortir Amir, un disque bouleversant : une pop éthérée, mélancolique et profonde, aux influences orientales. Portrait. 
 

Amir, le premier disque de Tamino, jeune anversois de 22 ans, sonne comme un miracle. Baignée de lumière, touchée par la grâce, sa voix en mélismes, des graves aux aigus, se pose sur ses musiques mélancoliques et intimistes, fait vibrer les cœurs et les cordes sensibles. Déjà, lors du dernier Rock en Seine, la silhouette longiligne et diaphane du chanteur, sa timidité et sa douceur, ses influences pop et arabes, imposaient parmi les chaos des guitares, leur présence. Le garçon se drape de sons, et ainsi irradie, nous entraînant dans le halo de ses sortilèges. 

Des influences de Lennon à Oum Kalthoum

Il est de ces miracles dont on veut comprendre la gestation. En civil, Tamino rayonne, tranquille, et se livre. Tout part du ventre de sa mère, folle d’opéra, qui écoutait La Flûte enchantée lors de sa grossesse : une excellente raison pour baptiser son fils du prénom du héros. 

Il y a ensuite ses premiers pas, nimbés de toutes les couleurs musicales : "Ma mère me faisait écouter ses disques. Pour moi, c’était de la musique au sens large. Je mélangeais Chopin, Oum Kalthoum et les Beatles" Et puis, à huit ans, surgit ce coup de foudre, pour Imagine de [John] Lennon : "J’ai été sidéré. De lui, j’ai voulu tout savoir. C’est mon Beatles préféré : plus brut, plus authentique que les autres. Jamais je n’ai idolâtré personne. Sauf lui. Comme lui, je portais des lunettes rondes et des cheveux longs."
 
Sur l’enfance de Tamino, plane aussi l’ombre de son grand-père, décédé alors qu’il avait cinq ans : l’éminent musicien et vedette de cinéma égyptien Muharram Fouad, surnommé "le son du Nil". "Mes parents me faisaient écouter ses chansons. J’adorais. Petit, je bidouillais frénétiquement les boutons de la radio pour trouver des sons orientaux", se rappelle-t-il. À dix ans, il commence le piano : "J’aimais ça mais ce n’était pas mon truc. Je voulais jouer des pièces différentes, exprimer mes sentiments, être sincère à chaque fois, créer mes compositions."
 
Une tristesse le dos droit

Tamino trouve son instrument : la voix. Il chante, sans relâche. À 17 ans, il intègre un cursus de "pop music" au conservatoire d’Amsterdam. Et définit son style. Avec l’aide de ses professeurs, sa voix s’envole. S’ancre dans son histoire. À 18 ans, il écrit Habibi, le titre inaugural de son disque : un chef-d’œuvre sensible, un joyau mélancolique qui prend aux tripes. 

Progressivement, il dessine son univers. Un monde en clair-obscur où la tristesse pousse en liberté. Non une tristesse pitoyable, mais une tristesse en majuscule, en majesté, avec "le dos droit". Tamino exprime : "C’est un sentiment très arabe. Que ce soient Oum Khalthoum, Farid El Atrach ou mon grand-père, quand ils chantent ce qui leur pèse sur le cœur, ils le font avec dignité, jamais de manière misérabiliste". 
D’emblée, avec le succès naissant, les comparaisons pleuvent : on cite à l’envi Jeff Buckley pour sa voix, ou Leonard Cohen pour le songwriting. Le garçon s’en réjouit et s’en alerte. "Lorsque l’on te situe dans la lignée d’artistes de cette trempe, tu portes beaucoup d’espoirs sur la table. Alors que tu n’as rien demandé…", dit-il. 

Le disque des premières fois

Ce disque, Amir, il l’a composé dans les montagnes russes de sa nouvelle vie, chamboulée par un succès parti de Belgique pour se répandre, comme une trainée de poudre, sur l’Europe. "Parmi toutes ces folies, je devais m’échapper du monde environnant, trouver ma concentration en studio, éteindre le téléphone et les réseaux sociaux, pour m’envelopper de la seule musique", décrit-il.

Créées entre ses 18 et ses 21 ans, toutes les chansons qui composent son album racontent ses "premières fois" : premier amour, premier déménagement hors du nid familial, premiers succès, premières musiques… 

Et voici peut-être pourquoi elles nous parlent avec tant d’évidence : pour leur sincérité sans fard. Tamino précise : "Une chanson réussie, c’est celle dans laquelle tout le monde peut entendre quelque chose de lui-même, qui possède cette force de te faire croire qu’elle te parle à toi, et toi seul. J’aime les chansons qui, comme un prisme, possèdent plusieurs facettes…" Le jeune homme confesse d’ailleurs lui-même osciller, dans ses œuvres, entre la romance et l’apathie, entre le cœur et l’esprit. 

Il y a plusieurs couleurs dans ses créations, et d’infinies subtilités, qu’accompagne la certitude émouvante d’assister à la naissance d’un grand. 

Tamino Amir (Unday Records) 2018

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