Dominic Sonic, le destin d’un héros discret du rock
Pendant près de quarante ans, il a été une figure de la musique à Rennes. Dominic Sonic s’est éteint le 23 juillet 2020 à l’âge de 55 ans. Un an après sa mort, deux disques reviennent sur la carrière de ce chanteur : la réédition de son premier album solo, Cold Tears et Acoustic, un disque hommage enregistré avec une pléiade d’invités. Des proches et des collaborateurs racontent ce musicien nourri au punk, de la vague rennaise des années 80 jusqu’à ses derniers moments.
La première fois que l’on a entendu parler de Dominic Sonic, c’était auprès d’un fan de punk. Le quadragénaire nous racontait alors les temps héroïques du rock français au tournant des années 1980 et 1990, et les premières parties de Noir Désir que le chanteur avait faites. Le nom de Dominic Sonic semblait alors sorti de nulle part.
Loin du succès, le musicien breton continuait pourtant sa carrière, occupant la scène ou se mettant au service des musiciens comme backliner, chauffeur ou régisseur. Long bonhomme ténébreux, il était pour ceux qui le connaissaient un garçon jovial, droit dans ses bottes de rockeur.
Dominique Garreau, alias Dominic Sonic, a fait son entrée sur la scène rennaise avec le groupe de punk Kalashnikov, un groupe formé en 1979 au lycée de Lamballe par deux frères, Martin et Tonio Perrault, rejoint un peu plus tard par leur copain Dominique. En pleine ébullition, la scène rennaise accueillait des jeunes venus de toute la Bretagne. "Ils sont arrivés vers 82-83, ils venaient d’à côté de Saint-Brieuc et s’étaient connus au lycée, décrit Christian Dargelos, fondateur de Marquis de Sade et chanteur du groupe Les Nus, qui l’a vu débarquer. C’était l’archétype du groupe de punk :1, 2, 3, 4 et puis feu... Dominique était surtout chanteur. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir vu à la guitare à cette époque. Leur fait d’armes était de s’être produit aux Transmusicales." Fidèle au festival rennais et à son équipe, Dominic Sonic s’y produira souvent, dont une fois avec ses idoles, The Stooges.
Iggy Pop et Lou Reed
Le chanteur fait les 400 coups, ses nuits se terminent bien souvent au petit matin. Plus que tout, il aime convoquer les héros du rock qui l’accompagnent depuis sa jeunesse. "C’était sa vie de traîner le soir, de raconter des histoires, de boire du Jack Daniel’s et de fumer des paquets de Marlboro. Ça le faisait grandir, il apprenait, et il mettait ça dans ses chansons. Quand il citait Iggy Pop et Lou Reed, il en parlait un peu comme des confrères. Il aimait bien cette mythologie du rock et se dire qu’il pouvait s’y mêler", constate Christian Dargelos. Devenu guitariste, Dominic Sonic doit attendre de se lancer en solo pour entendre siffler le vent du succès.
Son premier album, Cold Tears, est enregistré à Bruxelles avec d’anciens membres de son groupe comme des musiciens bien connus de la scène rennaise. Il paraît sur le label Crammed Discs en 1989. Réédité au cœur de cet été, on y redécouvre un rock abrasif chanté en anglais et en français, porté par la voix crâneuse que Mister Sonic gardera jusqu’à la fin.
À l’image de son tube When My Tears Run Cold, il semble souvent hésiter entre des velléités acoustiques et la furia électrique du Gun Club. "Le rock, c’était une façon d’être au monde. Dominique aimait que ça aille vite. La vie se devait d’être vécue pleinement, intensément, et sans regarder en arrière", constate Cathy Charlier, sa dernière compagne.
Succès d’estime dans toute l’Europe, ce premier album se vend à 40 000 exemplaires. Il signe chez Barclay, où il réalise deux disques sans obtenir le succès escompté. "C’est vrai qu’il a produit peu d’albums en une vie de musicien. Mais il n’a jamais arrêté la musique. Ce n’était pas possible pour lui de ne pas jouer, de ne pas composer, de ne pas être sur scène" résume Cathy Charlier.
Un album acoustique et un "black album" posthume
Au fil des décennies, le petit jeunot "respectueux de ses aînés" se mue en grand frère pour les jeunes rockeurs de Rennes. Il se produit accompagné par le groupe Bikini Machine et suit la carrière de jeunes musiciens prometteurs. Même s’il est parti vivre à Montreuil, dans l’est de Paris, Dominic Sonic reste indissociable de sa ville de Rennes et il continue de travailler avec des musiciens du coin. Pour son album Acoustic, le dernier qu’il ait mené de A jusqu’à Z, c’est le batteur Romain Baousson qui est à la production.
"Au départ, l’idée était de faire un disque guitare/voix pour accompagner des dates en solo. Sauf que sa maladie commençait à gagner du terrain. On a décidé sans se concerter d’en faire un album plus ambitieux, un best-of acoustique avec plus d’instruments et d’invités", explique-t-il.
Des amis comme la violoniste Mirabelle Gilis, le guitariste Olivier Mellano, le saxophoniste Daniel Paboeuf, Laetitia Shériff, Didier Wampas ou Sanseverino, son voisin parisien participent. Romain Baousson, qui a connu le musicien dans les dernières années de sa vie se souvient de quelqu’un qui était "à 100 % dans le moment présent, pas du tout rangé des voitures".
Un dernier album posthume, son Black album, doit encore sortir des cartons. Dominic Sonic avait enregistré les voix et laissé des maquettes à Romain Baousson. Ces dernières années, le musicien avait aussi écrit dans des carnets ses anecdotes glanées dans le monde de la musique. "Il avait même refusé une invitation à dîner de David Bowie parce qu’il devait raccompagner quelqu’un. Il disait que pour un p’tit gars de Lamballe, il avait eu une vie bien remplie", conclut Cathy Charlier.
Dominic Sonic Cold Tears (Crammed Discs) 2021
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