dEUS, toujours sur la brèche
Il est culte dans son pays, la Belgique, et c’est l’un des grands groupes du rock européen. dEUS revient avec How to Replace It, son premier album depuis dix ans. Si la tournure de ce disque est plutôt éclectique, la bande du bondissant Tom Barman continue ses aventures avec brio.
Cela fait dix ans maintenant que dEUS n’avait pas sorti d’album, une décennie au cours de laquelle le groupe belge aura pourtant vécu. Il y aura eu trois années de tournée, une compilation, la bande originale d’un documentaire sur le couturier Martin Margiela, et la formation aura encore changé de visage, avec le départ de son guitariste, son remplacement, et le retour de ce dernier. Ses membres auront connu des ruptures, construit des maisons, et fait bien d’autres choses. Mais ils n’auront finalement pas arrêté la musique.
La popularité du groupe de rock, pilier de la scène d’Anvers dans les années 1990, ne se dément pas dans son pays. Si bien que retrouver dEUS avec un huitième album, How to Replace It, n’est pas complètement anodin. La bande de Flamands amenée par le frontman Tom Barman, est désormais centrée autour du violoniste Klaas Janzoons, du bassiste Alan Gevaert et du batteur Stephane Misseghers. Très éclectique, son nouveau disque poursuit l’aventure avec doigté. Il y a des chansons pop légères, des morceaux dantesques, et d’autres qu’on croirait sortis de films noirs.
"Un album plus ouvert et moins sombre"
"On voulait un album plus léger et ouvert, moins sombre, moins symphonique, et moins compressé dans le son. Nous avons réussi à le faire", résume Stephane Misseghers, son batteur. Le groupe, qui avait créé ses deux derniers disques collectivement, s’en est remis cette fois à Tom Barman, son leader. En bon capitaine, Barman a fixé le cap et indiqué la direction à suivre, signant tous les textes et la plupart des musiques. Le rôle des autres musiciens a simplement été de suivre le mouvement.
Ce mouvement perpétuel va bien à une formation qui ne s’est jamais reposée sur ses acquis. Avec ses percussions, sa trompette et ses violons, et ses chœurs tribaux, la chanson titre nous amène dans une épopée inspirée des bandes originales d’Ennio Morricone. Ce que viennent relever Must Have Been New ou Man of the House, plus directs. Voix en avant, 1989 est un intermède ensoleillé. Les motifs de claviers viennent surmonter des orchestrations aériennes, toujours au cordeau.
Souvent considéré comme intello, dEUS est loin de se limiter aux grosses guitares. Ces douze morceaux font écho à son glorieux passé - le disque The Ideal Crash notamment, dont il a célébré les 20 ans en 2019- autant qu’il offre une suite idéale.
À propos des paroles écrites par son comparse, Stephane Misseghers estime : "Ce sont des choses que Tom vit, mais il les emballe de métaphores et de toute une imagerie. C’est de la poésie. Mais c’est comme une façade ! Il y a des chansons d’amour, des chansons plus existentielles, d’autres sur ce que cela signifie de devenir de devenir plus vieux. Des choses que tu attends d’une personne entre deux âges."
"Plus intéressant d’être dans un groupe qui prend de l’âge"
Essentiellement en parlé-chanté et en anglais, le disque prend une tournure à la Gainsbourg quand il se frotte au français avec Blues polaire. Ce qui n’est pas le plus réussi, en terme textuel. Il n’empêche que dans ces temps où la scène rap belge est au firmament, dEUS continue de porter haut l’étendard du rock. Ancien des groupes Soulwax et Vive la fête, Stephane Misseghers expérimente ce que signifie d’être rockeur à un âge, 46 ans, où beaucoup sont passés à autre chose.
"Par bien des aspects, c’est une expérience plus intéressante d’être dans un groupe qui prend de l’âge, assure-t-il. Quand tu es dans la vingtaine, tu fonces ! Tu crois que ce sera toujours comme ça, tu ne penses pas à ta carrière ! Mais à un certain moment, tu te confrontes à des limites physiques et mentales. Tu grandis ! Il y a quatre ans, j’ai arrêté de boire, et c’est fou de voir la différence entre l’avant et l’après. Sans alcool, c’est une épiphanie ! Ça m’a donné un nouvel élan !"
Outre le coronavirus, la création de ce disque a aussi été marquée par des moments durs. Remplaçant de Mauro Pawlowski, le guitariste Bruno De Groote a été victime d’un AVC qui l’a contraint à quitter plus rapidement que prévu le navire. Mais pour son batteur, ce nouveau disque de dEUS est la preuve que des "situations difficiles et des personnes différentes peuvent bien marcher ensemble, et donner naissance à de belles choses". On ne dira pas le contraire.
dEUS How to Replace It (Pias) 2023
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