JB Mpiana, un appétit insatiable pour la rumba
Figure de premier plan de la musique congolaise depuis trois décennies, JB Mpiana résiste aux nouvelles générations avec son nouvel album Balle de match, fidèle au style qui l’a fait connaitre à l’époque du Wenge Musica originel et qu’il a depuis peaufiné en solo, avec un succès dont peu de ses compatriotes peuvent se prévaloir.
Au pays de Tshala Muana, la reine du mutuashi récemment disparue dont les déhanchements avaient envouté une bonne partie du continent africain dans les années 80, point de salut sans faire danser. L’expérimenté JB Mpiana le sait et en fournit un nouvel exemple avec Zebuka, qui désigne "le jeu de reins" en lingala, selon son auteur. La formule s’avère une fois encore payante : en dix jours à peine, la chanson a été vue plus d’un million de fois sur YouTube, préfigurant le succès de son nouvel album Balle de match.
Si le titre du projet reflète à merveille l’esprit de compétition inhérent à la rumba congolaise, le chanteur joue volontiers la carte de la sagesse acquise avec le temps. "On n’est plus dans ces trucs-là. On a grandi, on est devenu mature", assure le néo-quinquagénaire qui déclare aujourd’hui en introduction de son morceau 50 ans : "Celui dont l’âme est heureuse ne ressent pas le poids des années."
Pour justifier cette longue période de silence discographique qui a suivi Soyons sérieux paru en 2011, le chanteur s’est trouvé un éminent avocat, aussi éloquent que convaincant : l’écrivain Alain Mabanckou, dont la passion pour la musique congolaise s’était exprimée entre autres à travers les albums du collectif Black Bazar –nom d’un de ses romans – qu’il avait produits. "JB Mpiana n’a jamais été un musicien pressé. Il a toujours pris le temps de rassembler les ingrédients, les mariner et préparer quelque chose qui donnerait une saveur musicale originale", estime le lauréat du Prix Renaudot 2006, dans une vidéo postée récemment sur le réseau social Tik Tok.
L’intéressé, lui, explique avoir voulu "amener un nouveau souffle, tendre vers la perfection, ne pas faire du déjà-entendu, mais améliorer, revisiter la musique du Congo, pour éviter la monotonie parce que c’était devenu toujours la même chose". Pour autant, pas de rupture. Céder aux sirènes des musiques urbaines en vogue ? Sans façon. "On peut faire un titre comme ça pour montrer que ne fait pas du surplace. Mais moi, j’aime rester dans ce que je sais faire, là où je me sens bien. L’ancien style", reconnait le cofondateur de Wenge Musica B.C.B.G. 4x4, groupe culte des années 90 qui s’est réformé le temps d’un concert en juillet dernier et devrait se retrouver en studio au Cap-Vert.
À l’époque du tout-numérique et des home studios, Jean-Bedel (son prénom à l’état civil, en référence au chef d’État centrafricain Jean-Bedel Bokassa) confie travailler encore "à l’ancienne" entouré de musiciens, associant au besoin les programmateurs "qui sont à la page" et auxquels il achète des sons. À ses côtés, des collaborateurs de longue date comme Jules Kibens ou JDL Loko, qui ont apporté chacun une chanson. Mais aussi des plus jeunes, tels qu’Atshuda, qui sont venus à lui et ont réussi le test, en live.
Construit sur un schéma qui a fait ses preuves à l’époque du soukous et du ndombolo, avec son lot de dédicaces encombrantes, mais que le chanteur défend comme relevant d’une pratique "culturelle", le répertoire présent sur Balle de match, volume 1 souligne aussi les qualités vocales de JB Mpiana.
Papa Chéri, comme on le surnomme, revendique l’influence de Papa Wemba, auquel il avait rendu hommage avec le single Irremplaçable en 2021 : "C’est mon idole. Quand j’ai commencé la musique, je voulais tout faire comme lui. Il avait captivé la jeunesse. Dans les écoles, on avait des petits groupes et lorsqu’on chantait, on interprétait ses chansons. Ça a démarré comme ça", rappelle-t-il en se lançant aussitôt dans une interprétation de Mea Culpa, un titre enregistré par son illustre aîné avec Viva la Musica en 1981. Au moment de son premier album solo Feux de l’amour, son rêve avait même été exaucé : Papa Wemba avait accepté d’y participer et – consécration suprême –lui avait renvoyé l’ascenseur en l’invitant sur son ultime disque Maitre d’école.
À son tour, lui qui est issu de la "quatrième génération" de la musique congolaise, est devenu un modèle. Son nouveau projet se devait donc d’être non seulement à la hauteur, mais aussi consistant. Qualité et quantité. Au menu, généreux sinon copieux : 24 chansons, soit plus de deux heures et demie de musique. “Il faut que le public puisse manger à sa faim”, sourit le chanteur, qui prévient : avec le deuxième volume à suivre de Balle de match, ceux qui veulent du rab’ seront bientôt servis.
JB Mpiana Balle de match (Bebert Etou / Universal Music Africa) 2022