Les astres zouk de Tanya Saint-Val
Quelques mois après avoir tenu le rôle de Winnie Mandela dans la comédie musicale Soweto, la chanteuse guadeloupéenne Tanya Saint-Val défend sa vision du zouk à travers son album Soleil, fruit de ses retrouvailles avec ses Antilles natales.
RFI Musique : Quel a été le point de départ de ce nouvel album, six ans après Ansanm ?
Tanya Saint-Val : Il faut savoir qu’après le concert que j’ai donné à l’Olympia le 16 décembre 2002, je suis repartie vivre aux Antilles. Il m’a fallu du temps pour me reconstruire, m’occuper de mes enfants, vivre sous le soleil. Après, je me suis dit qu’il fallait que je pense à ma musique, même si je n’avais jamais arrêté de composer. Et un concept est né, autour du soleil et de la lune. L’album Soleil, qui vient de sortir, est la première partie. Je voulais être fidèle à mon public de départ, celui qui m’a motivée, suivie, qui m’a orientée, donnée envie de m’exporter avec le zouk. Et dans le second volet qui s’appellera Lune, la deuxième Tanya – la femme que je suis devenue – a d’autres choses à dire, plus fortes, qui ne peuvent être dites sur une musique comme le zouk.
Soleil ne donne pourtant pas l’impression d’être particulièrement léger ?
Tant mieux. C’était un pari. Le zouk, tel qu’on l’imagine, est une musique très sensuelle, sur laquelle on ne peut pas parler de tout, parce que ça peut bloquer la danse. Sur mon album, il y a forcément des chansons de couple, des chansons d’amour avec un grand A, et puis d’autres dans lesquelles j’essaie de souligner que, si nous sommes français sur nos îles, nous ne sommes ni africains ni métropolitains. Mais créoles. On a cherché d’où on venait, on connaît le passé et il faut enseigner cette histoire-là, mais cette créolité doit soulever en nous la volonté de mieux faire. On n’est pas des bâtards, on est une nouvelle nation. C’est un peu le fil conducteur de l’album, ce qui m’a motivé à l’écrire. Me dire aussi qu’il était possible faire du beau zouk, que ce soit une musique qui s’écoute, pas seulement une musique de danse. Et je pense même qu’en concert, j’arrive à faire passer davantage d’émotion que sur le CD.
Quand vous avez enregistré vos nouvelles chansons, les avez-vous prévues pour la scène, vous qui avez déjà sorti deux albums live ?
Oui, j’essaie de trouver des choses qui soient faciles à reproduire, retranscrire en live. C’est pour cela que je ne voulais pas trop de synthés. Même s’il y a des programmations dans le zouk, toutes les guitares sur cet album sont pratiquement acoustiques. Il y a de vraies percussions, beaucoup de solos de piano… Je voulais rendre l’album vivant. Je sais que je vais le travailler pour la scène, parce que mon bonheur, c’est de prendre un micro et de partager ma musique avec les gens. Mais mon seul regret, c’est que cette musique ne puisse pas être à l’affiche des festivals – sauf Kassav. Ça m’ennuie.
Le fait d’être retournée vivre aux Antilles a-t-il changé votre façon de faire de la musique ?
Avant de quitter la métropole, j’avais participé au volume 2 d’Autour du blues, avec Paul Personne, Francis Cabrel… Quand je suis revenue en Guadeloupe, j’étais un peu triste, mais c’était un choix de famille. Je ne voulais pas être cette artiste orgueilleuse qui ne pense qu’à elle et pas à son époux, à ses enfants, mais je savais qu’en rentrant là-bas, il allait se passer quelque chose : j’allais retrouver mes vraies racines et le zouk allait reprendre le dessus. C’était indéniable. Je suis une zoukeuse, et plus qu’une zoukeuse, je suis une caribéenne.
Vous arrive-t-il encore aujourd’hui d’écouter vos albums précédents ?
Je n’ai pas eu toujours plaisir à réécouter mes anciennes chansons. Quand j’ai commencé dans la musique, je n’avais pas forcément confiance en moi. Je savais que je pouvais être chanteuse mais je n’étais pas encore satisfaite. J’entendais des choses que je n’arrivais pas à reproduire. J’ai eu la chance d’avoir très vite un public qui m’a aimée, donc j’ai beaucoup de souvenirs avec les premiers albums. Mais j’entends aussi énormément d’erreurs. Je ne crois pas que ce sera le cas avec Soleil. Celui-là, j’en suis fière ! Il a été difficile à mettre en place : les disques ne se vendent plus, la musique ne rapporte plus autant, et il a fallu que je monte mon propre label.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de participer, en 2008, au spectacle Soweto, retraçant une partie de la vie de Nelson Mandela ?
C’était une comédie musicale à l’initiative de Serge Bilé, un journaliste écrivain, qui a écrit pratiquement tous les textes. J’étais très enthousiasmée par le projet tout simplement parce que ça me permettait de m’enrichir. Je n’ai pas eu une grosse culture quand j’étais gamine : l’école, pour être franche, ça ne me disait rien. Lorsque je suis passée en classe de troisième et que j’ai dit à ma mère que je voulais faire une école de musique, elle a refusé. Ça m’a dégoûtée. Quand je me suis mariée, que j’ai eu mes enfants, j’ai compris que la vie avait un autre sens, et je me suis dit qu’il fallait prendre tout ce qui pourrait me fortifier.
Tanya Saint-Val Soleil (Netty) 2008