Elle est une des dernières bonnes nouvelles en provenance du Québec. Avec ses chansons tourmentées et organiques, Rosie Valland conjugue technique et fragilité, savoir-faire et mélancolie.Se plonger dans son univers et celui de son premier album, Partir avant a des vertus enivrantes.
Depuis quelque temps, elle s'est fait un petit nom du côté de la Belle Province. Il faut dire qu'elle a été à bonne école. Celle internationale de la chanson de Granby, dont la réputation n'est plus à faire. Finaliste aussi de son concours en 2012, Rosie Valland a troqué là-bas le piano, son instrument de base, pour la guitare. "Cela m'a permis de me sentir plus libre", mais pas de chasser des doutes tenaces chez cette jeune fille de 24 ans à la longue chevelure sauvage et aux multiples tatouages.
Son cerveau n'a pas de suite, laissé place au lâcher-prise. "Je me demandais sans cesse ce que j'allais faire si je ne réussissais pas dans la musique". Le déclic ? Sa rencontre avec Jesse Mc Cormack, autre artiste québécois à l'univers riche et par ailleurs, réalisateur. Entre elle et lui, une complicité immédiate s'est même prolongée sur scène. Il l'a poussée dans ses retranchements. Et s'est enfin abandonnée dans sa démarche. "C'est un pilier et une espèce de mentor pour moi. Il m'a constamment forcée à ma dépasser. Grâce à lui, j'ai évolué tellement rapidement".
Cette collaboration fut fructueuse puisque, en 48 mois, ils auront accouché de deux EPs (l'un est sorti par surprise il y a six mois) et d'un album. Plutôt que de faire les quatre cents coups ou des bulles douillettes dans sa chambre, elle se réfugie dans la musique. "J'ai un appétit presque boulimique à écrire et composer".
Premier album,Partir avant
Voix aérienne et vibrante, Rosie Valland chante une femme ayant plusieurs vies, et autant d'amours et de séparations. Sur son disque Partir avant, elle est en harmonie avec ses idées noires. Et on ne peut que vanter les mérites d'une rupture sentimentale quand celle-ci apporte de la profondeur au songwriting d'un cœur désenchanté. "C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour pouvoir m'adresser à la personne. Il y avait une urgence, j'avais besoin d'exprimer une forme de colère et de tristesse".
Les neuf morceaux sont autant de cicatrices à vif. Sur la plupart, la mélancolie se caresse sans tabou. Valland n'est pas une chanteuse de variété. Elle se jette à corps perdu dans des ambiances atmosphériques où la folk, la pop et le rock crépitent dans des feux sans joie. Univers organique et minimaliste. Vocabulaire charnel et autour des sens.
Le rythme cardiaque s'accélère davantage sur des chansons comme Saint-Denis ou Olympe, titre hommage à une pionnière du féminisme. "J'ai été remuée par les écrits d'Olympe de Gouges. Cela m'a confronté à ma condition de femme et à mon désir d'être celle que je voulais devenir. Ce morceau, c'est ma manière de militer".
Au rayon inspiration musicale, elle cite Cat Power ("surtout son sublime album Sun"), James Blake, Lorde, Feist. Nos oreilles sont, elles, saisies par une proximité criante avec sa compatriote Salomé Leclerc. Comme cette dernière, qui n'a pour l'instant pas réussi son opération séduction en France malgré une signature chez le label Tôt ou Tard, Rosie Valland a le regard tourné vers le marché français. "En février prochain, je songe à m'y installer trois mois. Même si j'ai conscience que ce sera compliqué, j'ai envie de vivre d'autres expériences".