Le rock garage psychédélique de Ponctuation

Le rock garage psychédélique de Ponctuation
Ponctuation © Marie-Hélène Mello

Du 9 au 19 juillet, la fièvre festivalière s’empare de la capitale du Québec, où sont présentés pas moins de 300 spectacles en intérieur et en extérieur pendant le Festival d'Été. Rencontre avec le duo québécois Ponctuation, qui célèbre deux fois plutôt qu’une, la parution de son second album, La réalité nous suffit, lors du plus grand événement musical de sa ville natale.

Créé à Québec il y a quatre ans, Ponctuation n’en est pas à sa première performance au Festival d’Été (FÉQ). Les frères Guillaume (guitare, voix) et Maxime Chiasson (batterie) y étaient en 2012 pour présenter les morceaux des deux EP qui les ont fait connaître. Puis, en 2013, ils y défendaient leur premier album intitulé 27 Club, en l’honneur de cet âge mythique où sont décédés plusieurs illustres musiciens.

"On garde un très bon souvenir de notre premier spectacle au festival", se souvient Guillaume, en racontant comment Ponctuation faisait la plupart du temps cavalier seul à ses débuts, car le groupe n’appartenait pas vraiment à une "scène musicale" au sens propre. "Ce n’était pas évident de trouver d’autres groupes qui faisaient du rock garage ou plus psychédélique pour jouer avec nous. On dirait qu’il y avait aussi un creux dans le rock francophone québécois en général. Maintenant, c’est plus cool : il y a Chocolat, Le Vaisseau d’or, Corridor, qui sont plus dans notre ton… C’est plus facile de trouver des représentants de la scène locale avec qui on a des affinités".
 
Cette année au FÉQ, le (très) grand guitariste, qui est aussi le compositeur principal des chansons de Ponctuation, etait ravi de se produire en première partie du trio rock torontois Metz et du groupe américain The Black Lips (12 juillet). Mais il semble encore plus heureux d’offrir un spectacle plus complet ce 17 juillet au Cercle, la salle d’un restaurant-bar où il travaillait auparavant.
 
Nouvel album, nouveau spectacle
 
Grande nouveauté le printemps dernier : lors du lancement montréalais de l’album La réalité nous suffit, les frères Chiasson étaient accompagnés sur scène d’une troisième personne, la bassiste et claviériste Laurence Gauthier-Brown. Ceux qui suivaient depuis un moment le "power duo" se sont montrés très étonnés.
 
Pourtant, selon Guillaume, la décision allait de soi : "Il y a beaucoup de pièces du dernier album qu’on ne pouvait pas vraiment faire en live à deux. J’aimerais aussi peut-être faire un show de fin d’année en formule plus big band, mais ce serait un trip "one shot deal". Comme ça, on pourrait par exemple jouer le morceau instrumental de l’album, sur lequel il y a cinq guitares" !  Intitulée Peyotl dominical, cette piste marque une pause bien planante vers la fin du second album, tout juste avant Mon corps est une planète, une chanson accrocheuse à sensibilité plus pop.
 
De 27 Club à La réalité nous suffit, Ponctuation a conservé ce même désir d’offrir du rock original et multiforme entièrement chanté en français. La guitare – l’instrument de prédilection de Guillaume qui, fait intéressant, a récemment obtenu un diplôme universitaire en interprétation  jazz – occupe toujours une place de choix sur chacune des pistes. À juste titre associé au yéyé et à la musique des années 1960 à ses débuts, le tandem explore davantage le "stoner rock" tout en laissant transparaître des influences punk… et une grande envie de s’amuser. Pas étonnant que le groupe ait la réputation de bête de scène.
 
Les chansons de La réalité nous suffit n’ont rien d’hermétique ou inaccessible, bien au contraire. Elles ne s’adressent pas non plus qu’à un public à l’affût du rock underground ou de certaines tendances très pointues. En effet, certaines ont même le potentiel de séduire des amateurs de pop-rock francophone plus conventionnelle, en mode assez lo-fi cependant, comme Narcisse, ou encore Météo, dont le musicien affectionne particulièrement la version live. "Pour la finale de notre spectacle, on a eu l’idée d’allonger Météo en improvisant, de 2 minutes sur album à environ 6 minutes en live. On voulait la rendre plus psychédélique, la ralentir, l’interrompre, reprendre… En spectacle, c’est fou, c’est inattendu. C’est l’apogée !" Guillaume s’emballe un peu, puis rit. "Faut être là pour comprendre ! "
 
Approche spontanée
 
Alors que le premier disque a été réalisé au célèbre studio Hotel2Tango de Montréal par Howard Bilerman (reconnu entre autres pour son travail avec Arcade Fire et Cœur de pirate), celui de 2015 a été pensé tout à fait différemment. Exit les répétitions et la contrainte de tout enregistrer en peu de temps. "On voulait se rapprocher du moment de la création. Souvent, un groupe enregistre plusieurs versions d’une même chanson et s’éloigne de l’idée de départ. Nous, on a décidé de faire de notre mieux nous-mêmes, tout de suite après l’avoir composée. Sans préproduction, sans peaufiner". Leur travail, échelonné sur six mois, a pour résultat un son plus brut, qui accueille les imperfections. Une contrainte laissant paradoxalement aussi place à beaucoup de liberté.
 
"On ne s’est pas donné de limite, poursuit le chanteur avec enthousiasme. Pour 27 Club, on voulait que le résultat soit similaire à juste nous deux en show. Là, si je voulais 8 guitares, des bongos, pas de problème ! Nous y sommes allés au feeling".

Et c'est après, pour préparer un concert, que ça se corse ? "C’est sûr qu’on s’est posé des questions, se souvient-il, amusé. Mais ça marche aussi quand on garde l’essentiel. On ne peut pas jouer tout le nouvel album live, mais on revisite aussi le premier et les deux EP. Notre show est un mélange de tout ça".

Parions que leurs nouveaux titres continueront de se transformer au fil de leurs spectacles au Québec cet été. Le groupe prévoit ensuite de traverser l’océan cet automne, pour tourner en France ; une deuxième expérience européenne, après s’être produit aux Transmusicales de Rennes l’an dernier.

 
Ponctuation La réalité nous suffit (Bonsound) 2015
 
Site officiel de Ponctuation