Céline Dion, plus haut que tous les sommets

Céline Dion lors de la Paris Fashion Week, le 2 juillet 2019. © Victor VIRGILE/Gamma-Rapho via Getty Images

Alors que l’album Courage sort aujourd'hui et qu’elle a commencé il y a quelques semaines le Courage World Tour, la chanteuse québécoise savoure un statut unique sur la scène mondiale, dans lequel ses nouvelles chansons sont de moins en moins au cœur de son actualité.  

Il est possible que le plus important d’une chanteuse ne soit pas ce qu’elle chante. Céline Dion, à l’approche de la sortie de Courage, son vingt-septième album studio, n’intéresse plus les médias – et donc le public, doit-on croire – autant pour ses chansons que pour tout le reste.

Admettons toutefois que ce "reste" est d’une dimension romanesque vertigineuse. Son conte de fées avec son imprésario puis mari, René Angélil, s’est achevé en janvier 2016, après des années de mauvais présages effacés par les sourires, les déclarations et l’actualité successful d’une star dont l’équilibre psychologique est, depuis le début de sa carrière, aussi continûment affiché que les fêlures de Judy Garland au cours de la sienne.

La tragédie trouve sa catharsis en mai avec Encore un soir, bouleversante chanson de Jean-Jacques Goldman puis titre de l’album éponyme paru à la rentrée, après une tournée estivale dans la francophonie. Avec 1,5 million d’exemplaires écoulés, ce sera la deuxième vente d’album de l’année en France.

Sur le marché anglophone, sa reprise du standard The Show Must Go On lors d’une cérémonie des Billboard music awards à Las Vegas, également en mai 2016, sonne comme l’annonce d’une nouvelle ère, dans la continuité de la précédente. Céline Dion y reste constamment présente dans l’œil gourmand d’une industrie de l’actualité people dont elle a accompagné la mutation numérique.

Elle peut passer, d’ailleurs, pour un symbole de la mutation d’une industrie de la vente en masse de CD à celle d’une consommation massive d’images "volées" ou mises en scène, qui font s’effacer la chanteuse derrière son personnage. Qui mieux qu’elle peut incarner l’âge d’or de l’industrie mondialisée de la musique populaire, puisqu’on dira qu’il lui arrive, au cours d’une année, de vendre un CD toutes les vingt secondes ! Âge d’or, en effet : The Colour of My Love en 1993 (20 millions d’exemplaires), D’eux en 1995 (10 millions), Falling Into You en 1996 (32 millions), Let’s Talk About Love en 1997 (30 millions), etc.

Après que la crise du disque s’est déclarée en Amérique du Nord puis sur tous les marchés des pays développés, Céline Dion fait le choix de la sédentarité à Las Vegas et, avec deux spectacles successifs de 2003 à 2007 puis de 2011 à 2019, elle sera visitée mille fois par 4200 spectateurs au Cæsar’s Palace. Des tournées entrecoupent ces deux longues résidences, avec à chaque fois d’impressionnants records de public et de recettes.

L’image accompagne cette course de fond triomphale. Les tenues de Céline, les escapades à la Fashion Week de Céline, l’ami que l’on voit beaucoup auprès de Céline, l’anniversaire de Céline… Nul au monde n’ignore les occupations d’un personnage à la fois familier et niché au sommet d’un Olympe de beauté, de célébrité et de richesse. Aujourd’hui, veuve, quinquagénaire et maîtresse de son destin, Céline Dion continue de répandre généreusement l’image à la fois stéréotypée et perpétuellement renouvelée de sa plastique impeccable et de son indestructible sourire.

Folle année en perspective

Annoncée par le single Flying On My Own (littéralement : "en volant seule") au printemps dernier puis de trois autres chansons en septembre, la sortie prochaine de l’album Courage est en partie éclipsée par la rumeur de l’énorme Courage World Tour. Cette tournée en Amérique du Nord et en Europe, de septembre 2019 à l’été 2020, multiplie les performances dans la vitesse de vente des billets (9 minutes, le 9 octobre, pour 55 000 billets des Vieilles Charrues en juillet 2020) et le montant de revente de ceux-ci au marché noir (jusqu’à 6000 euros, alerte la presse).

Mais tout promet d’être plutôt sage pendant cette année folle : une majorité de tubes dans la setlist, quelques nouveautés de principe et la confirmation que, si la tessiture de la chanteuse a perdu un peu dans l’aigu, sa maîtrise du médium et du grave lui assure encore des performances vocales fidèles à sa légende.

D’ailleurs, pourrait-elle dépasser celle-ci ? Céline Dion est aujourd’hui dégagée de toute obligation de renouvellement artistique, même si de nouvelles collaborations, parmi lesquelles Sia et David Guetta, élargissent un peu son carnet d’adresses à l’occasion de Courage.

Comme Édith Piaf ou Elvis Presley face à leur propre mythe, comment Céline détrônerait-elle Céline ? Les sommets qu’elle a atteints comptent parmi les Everest du show-business (nombre d’albums vendus par une artiste féminine, nombre de spectateurs à Las Vegas, profitabilité des tournées…), outre l’inscription de dizaines de chansons parmi les plus grands standards de la musique populaire en anglais et en français.

Désormais, les records à battre sont moins nombreux, pour autant qu’elle ait encore le goût des dépassements. Elle sait qu’elle est devenue plus qu’une star, que le Canada mettra un jour son visage sur des billets de banque, que des rues porteront son nom… La surprise n’est donc pas tant que la création ne soit plus au premier plan de son activité, mais peut-être qu’elle éprouve encore le plaisir de chanter – lequel est indiscutable.

Céline Dion Courage (Columbia) 2019
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