Tahiti 80 ensoleille la pop
Le groupe français Tahiti 80 a profité des confinements pour peaufiner son 9e album, Here With You. Un disque mélancolique et dansant, qui poursuit l’inlassable quête pop de Tahiti 80 du côté de la Californie. Explications avec Xavier Boyer, auteur et chanteur.
RFI Musique : Où en était Tahiti 80 au moment de l’apparition du Covid 19 ?
Xavier Boyer : Nous venions d’enchaîner deux tournées en France et en Asie, pour l’album The Sunsh!ne Beat Vol.1 et pour notre anthologie acoustique Fear Of An Acoustic Planet. Les concerts, c’était donc officiellement fini pour nous en décembre 2019. Nous avions commencé nos premières sessions pour le prochain album à Rambouillet (en région parisienne, ndlr) dans la maison d’Adrien, le clavier du groupe. C’était plus confortable et moins formel qu’un local de répèt’.
Lors du premier confinement, quel était votre état d’esprit ?
Je venais d’avoir une petite fille, tandis que notre album était en gestation. Le confinement a forcément changé nos plans. Nous pensions travailler à un rythme plus soutenu, car nous avions déjà des dates de concerts prévues en 2020. Rapidement, le groupe s’est mis en ordre de marche. Nous vivons dans des villes différentes. Ce n’était donc pas nouveau pour nous d’être éloignés les uns des autres. Nous avons aussi l’habitude de travailler avec un producteur aux États-Unis, Andy Chase. Adrien était à Rambouillet, Pedro et Médéric se trouvaient à Rouen, le réalisateur de l’album, Julien à Rennes, Raphaël à Paris et moi à Montpellier. Pat Jones, pour le mix, était à Los Angeles.
Confinement et éloignement ont-ils modifié la création de ce 9e album ?
On s’est tous dits qu’on allait se remettre au travail. Ainsi, nous aurions quelque chose à faire et nous pensions que cela ne durerait pas longtemps. Nous avions tous la chance d’avoir une connexion Internet et des moyens d’enregistrement. J’en ai profité pour m’améliorer techniquement sur la prise de son. Pour Raphaël, en appartement à Paris, c’était plus compliqué pour enregistrer la batterie.
La grande différence, c’est qu’il n’y avait plus cette concertation rapide, tous dans la même pièce. Il en est sorti des choses positives : on pouvait aller chacun au bout d’idées sans interférences. Beaucoup de propositions n’auraient pas forcément vu le jour si nous avions été dans la même pièce. Il y a eu des hauts et des bas, certains moments de lassitude ou de doutes. Le bon côté : nous étions entièrement focalisés sur cet album, le mauvais : nous étions un peu la tête dans le guidon, sans trop de recul.
Ce n’est pas un album de confinement, calme, sombre ou intimiste…
Nous avions envie d’un album de fête, pas enfermé ou claustro… Plutôt presque un exutoire post-Covid. Pour la première fois, nous avions établi un "mood board" : chacun avait sélectionné 4 ou 5 photos pour illustrer les humeurs de notre musique. J’avais par exemple choisi une photo de rave des années 90, un moment de communion sans téléphones mobiles. On s’est aussi imaginé comme Sly Stone à Woodstock. Nous souhaitions aller plus loin dans le côté dansant de nos chansons avec une complexité harmonique.
Le groupe s’est un jour retrouvé en studio…
Oui, et les choses allaient très vite, car nous avions déjà expérimenté ou créé des choses chacun chez soi. En septembre 2020, nous nous sommes retrouvés à Rouen, tandis qu’un clip était tourné par le réalisateur brésilien Gabriel Rolim, mais sur fond vert. Nous ne nous sommes pas déplacés. On comptait sortir un single en décembre, l’album était prêt avant l’été 2021. Mais finalement tout a été retardé. Notre dernier concert date de décembre 2019, le prochain sera le 1er avril 2022, c’est long. Trop long !
Comment ont été écrits les textes ?
Je les ai écrits durant le confinement. Je me suis aperçu que tout ne pouvait venir de moi. Les tournées, les voyages, les rencontres… nourrissent mes textes. Là, il ne m’arrivait plus grand-chose, la paternité mise à part. Le titre UFO envisage peut-être l’enfant comme un OVNI… J’ai donc trouvé dans des livres, des séries ou des films des sources d’inspiration, autour de moi. Pas mal de paroles sont un monologue, un huis-clos, comme Telling Myself ou Hot. Il y avait un équilibre à trouver entre musique joyeuse et paroles mélancoliques, à l’instar de la house music ou de la Motown.
Cet album baigne dans une atmosphère californienne… Andy Chase a-t-il été encore mis à contribution ?
Une Californie fantasmée. Nous adorons toujours les Beach Boys. Mais la disco fin 70/début 80 —avant qu’elle ne devienne plus numérique— nous a sans doute influencés. Il y a certainement cette couleur dans le disque, dans les arrangements de guitares et de claviers. Les titres sont de styles très différents : rock, slow, drum'n'bass, soul années 70… Nous essayons de nous renouveler, toujours dans notre obsession pop. La distance a permis de passer parfois un mois sur un seul titre. Il y a un disque que j’adore des Californiens Turtles, The Battle of the Bands, sorti en 1968, sur lequel ils se prennent pour un groupe différent à chaque titre. Andy a été sollicité pour donner son avis sur les paroles et la musique, car il connaît bien le groupe. Il a été moins présent que sur les précédents albums. Si nous parvenons à le surprendre avec une chanson, nous savons que nous sommes sur la bonne voie.
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Tahiti 80 Here With You (Human Sounds/Idol) 2022