Le MaMA ou la vie de musicien
La 7e édition du marché des musiques actuelles (MaMA) se tient jusqu'au vendredi 14 octobre dans les salles de concert de Pigalle à Paris. Ce festival hybride réunit trois jours durant le monde de la musique autour de plus de 120 concerts et un cycle de 70 conférences. Pour la première journée de festival, on a voulu savoir ce que signifie faire carrière dans la musique à l'ère digitale.
Dans la salle parisienne de la Cigale, ce mercredi, c'est un mélange de genres. Des bandes de jeunes éméchés se frayent un passage au milieu d'une foule de programmateurs, de tourneurs et de journalistes musicaux. Sur scène, Biga* Ranx harangue la foule à grands coups de pull up. "On remet le disque !", dans le jargon de la musique jamaïcaine. S'il est l'un des rares chanteurs français de reggae à s'être imposé en Jamaïque, "Biga" pèse pour l'industrie musicale des millions de vues sur YouTube – plus de 37 000 abonnés - et environ 40 000 albums vendus, un petit phénomène.
"Quand j'ai commencé, j'animais des soirées soundsystem comme MC selecta', resitue Gabriel Piotrowski juste après son concert. Je ne me projetais pas dans un truc carriériste, mais je faisais ça parce que c'était mon kif ! Après, de fil en aiguille, je me suis retrouvé à traîner dans des studios, à enregistrer des morceaux, à faire des vidéos. C'était les débuts de YouTube et c'est ce qui m'a fait connaître. Quand j'ai eu assez de demandes pour aller jouer le week-end, j'ai arrêté mon cursus scolaire pour me consacrer entièrement à ça." La suite plus classique ressemble à une vie de chanteur faite de routes très longues et de beaucoup, beaucoup de concerts.
Des concerts / des conférences
Le MaMA (marché des musiques actuelles) qui se déroule jusqu'au vendredi 14 octobre à Paris autour des salles de concert de Pigalle, s'intéresse autant à ce que l'on connaît des artistes qu'à ce qui se passe dans les coulisses de la musique. C'est d'une part un festival classique et d'autre part, un marché "pro" avec ses après-midis pleins de rendez-vous et de conférences. Cette année, on pourra voir, outre les concerts de Christophe, du rappeur Youssoupha et d'une sacrée brochette de découvertes, des conférences de l'ancien président de la multinationale Universal, Pascal Nègre, et du banquier/patron de presse, Matthieu Pigasse.
Tout le mercredi, les salles de concert du XVIIIe arrondissement de Paris accueillaient ainsi une série de rencontres. La chanson au cœur de l'éducation artistique, l'écoute de la musique en ligne sur les plateformes de streaming ou encore la musique au sein des frontières de l'Union européenne, tels étaient les thèmes abordés. Pour une table-ronde sur la thématique "faire carrière dans la musique", le musicien/écrivain Pierre Mikaïloff laissait la parole à une chanteuse, un directeur de maison de disques et une enseignante/chercheuse.
Le portrait d'un artiste
En une heure d'exposé et une demi-heure de questions du public sur le sens, les illusions et les perspectives de la vie d'artiste, les trois intervenants ont tracé à grands traits, le portait d'un musicien en 2016. C'est sur les bancs de la fac d'économie où elle s'ennuyait passablement, que la chanteuse électro-pop Cléa Vincent a rencontré celui qui l'a introduite dans le milieu artistique. La question qu'elle s'est posée alors : "Avec qui j'ai envie de faire ma vie ?" Tandis qu'elle vient tout juste de publier son premier album, Retiens mon désir, elle estime aujourd'hui que sa carrière "est dictée par l'amitié, l'amour, le plaisir… et le travail".
Le directeur de la maison de disques Polydor (filiale d'Universal), Stéphane Espinosa, constate quant à lui : "Dans les années 90, l'image était secondaire. Avec la génération digitalisée, elle devient importante." Ce patron de label qui a travaillé avec Daft Punk ou le rappeur Orelsan a monté une cellule spécialisée dans "les musiques urbaines" (hip hop, r'n'b...) et un service image au sein du label qu'il vient tout juste d'intégrer.
Mais loin des paillettes, le musicien moderne est souvent un précaire qui doit faire un maximum de choses par lui-même, de l'écriture de son morceau à la gestion sonnante et trébuchante de son entreprise. "Les carrières sont protéiformes", euphémise Carole Le Rendu, professeure à l'Université d'Angers.
Une carrière aussi longue que Charles Aznavour ?
Alors, peut-on envisager aujourd'hui de devenir un papy chanteur ? Ou un papy rockeur ? Le trentenaire Vincent Jouffroy, qui éclot sous le pseudo I Am Stramgram, reste lucide : "Ma perspective sera de faire de la musique toute ma vie. Par contre, la scène, c'est compliqué parce qu'il y a un rapport au corps, à la fatigue physique. Et quand on est un groupe indé comme nous, on fait des heures de camion, on dort à droite, à gauche… Je pense donc que je vais faire de la musique tout le temps. Mais la composition, des ponts avec le théâtre, la danse, seront sans doute des manières de continuer à faire cela en m'économisant." Quant à Biga*Ranx… Il annonce prochainement un quatrième album, presque une contrainte pour ce musicien épris de liberté qui rêverait de sortir sa musique en direct sur Internet, une fois qu'elle est à peine terminée.